Meknès, Au Roi de la Bière
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Médiathèques, Bibliothèques, Presse

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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 26 Mar - 16:23

Le Brigadier general Theodore Roosevelt Junior discutant avec La Major Florence Conrad, Chef de l'Unite des Ambulanciers Rachambeau a Rabat 1943

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Message  CONRAD-BRUAT Xavier Sam 5 Avr - 20:05

Ça, c'est une bonne trouvaille, Ghis cheers 
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Message  Lucien Calatayud Lun 21 Avr - 11:53

Médiathèques, Bibliothèques, Presse - Page 3 00122Médiathèques, Bibliothèques, Presse - Page 3 00222

“Un fou a osé se lancer dans la rédaction de quelques  souvenirs de sa toute prime enfance, plus encore dans leur édition. Voici la  1ère et la 4ème de couverture  du bouquin. Pour celles et ceux qui seraient intéressés, on peut se procurer l'ouvrage soit chez "Mon Petit Editeur"(c'est là qu'on est servi le plus rapidement), soit à la FNAC, soit chez AMAZON, soit dans FACE BOOK et je crois même à CHAPITRE COM. Pour ne citer que les principaux distributeurs.
Je tiens à préciser que  ce n'est qu'avec le feu vert de JIMMY que je me  suis permis d'annoncer la publication de mon livre, OMBRES ET LUMIERES D'UN PASSE PIED-NOIR dans notre forum.  De même que je précise que c'est  pour des raisons familiales que j'ai préféré l'éditer sous un pseudo " 
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Message  MOLL Serge Lun 21 Avr - 13:27

Mon cher "Yvon Lautaydac"
Si tôt lu,si tôt commandé chez Mon Petit Editeur. Et oui, j'attendais avec impatience la parution de ton livre.Maintenant j'ai hâte de l'avoir dans ma boîte aux lettres.
Félicitations.
JOYEUSES FETES DE PAQUES
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Lun 21 Avr - 17:51

Bonjour a toutes et tous - Lucien - Super et j'ai un compte chez Amazon et je viens de verifier donc il me viendra de la. Bravo. Moi-meme depuis plus d'un an j'ecris un petit manuscrit et seulement pour mes enfants et petits-enfants, en anglais car que deux d'entres eux parlent francais et qui va de la periode de l'ouverture de la colonie en Algerie, du protectorat de Tunisie et ensuite Maroc (puisque mes arrieres grands-parents maternels et paternels etaient arrives dans ces 2 endroits de la France)  et jusqu'a mon depart de Meknes en 65. Ce sera illustre avec ce que j'ai pu recolter a droite et a gauche. Certains membres de ma famille m'aident la-dedans mais malheureusement bien sur ils disparaissent petit a petit....
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Message  Admin Lun 21 Avr - 22:07

Mon cher Lautaydac Yvon

(Décidément, cela va être dur de m'y faire...!!!)
Lucien.... !!!  Laughing Tu nous fais un immense honneur à tous en présentant ton livre (urbi et orbi, comme dirait François..., l'autre) sur le comptoir du "Roi de la Bière".

Je suis heureux pour toi et fier de toi...!!! Tu fais à présent partie de ceux qui peuvent affirmer.... " faut le faire", et , "je l'ai fait..."

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Message  Crémault Marie Joëlle Mar 22 Avr - 7:46

LUCIEN, merci, je suis bêtement heureuse pour moi, j'ai aimé tes textes, Les retrouver et en découvrir d'autres, quelle chance ! Ouf , une idée de cadeau, Very Happy à faire à ceux qui, comme toi, comme nous, ont aimé ce parcours de nos familles .
Amitiés, mes vœux accompagnent cette parution  Marie-Joëlle
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Jeu 12 Juin - 17:02

Article du journal "La Vigie Marocaine", du 11 février 1944, lié aux questions du ravitaillement de la population civile.
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Jeu 12 Juin - 19:29

Serge - Cette epoque m'interesse enormement et je fouille dans le net a droite et a gauche, sites francais/americains aussi ou dans mes livres et j'avais trouve cet article tres interessant.  Tu as une sacree memoire. 
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Message  MOLL Serge Jeu 12 Juin - 19:40

Ghislaine Jousse-Veale a écrit:Serge - Cette epoque m'interesse enormement et je fouille dans le net a droite et a gauche, sites francais/americains aussi ou dans mes livres et j'avais trouve cet article tres interessant.  Tu as une sacree memoire. 

La mémoire est à double tranchant. J'aimerais parfois oublier certains moments de ma vie passée. Hélas,c'est impossible,il faut faire avec.
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Message  CONRAD-BRUAT Xavier Sam 5 Juil - 19:14

Bien, puisque l'on est sur un site d'anciens de Meknès, honneur à la Cité impériale Very Happy
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Message  CONRAD-BRUAT Xavier Dim 6 Juil - 12:34

Admin a écrit:....J'ai un excellent sujet sur les puces en période de rut en milieu capillaire...
 scratch C'est ça qui te démange !! Very Happy
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Message  CONRAD-BRUAT Xavier Mar 8 Juil - 0:30

honneur à la Cité impériale (suite...)

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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mar 8 Juil - 2:04

ah ce superbe livre ecrit et illustre par Francis Ramirez et Christian Rolot, maitre de conferences a la Sorbonne et professeur a l'universite de Montpellier et tous les deux ont enseigne pendant 6 ans a la Faculte des Lettres de Meknes.  J'ai mis d'ailleurs quelques extraits de ce livre dans notre site mais ou je ne me rappelle plus et notre site a tellement grandi depuis.... Voici un extrait:


"Les restaurants, les cafés, les brasseries regardent vers la métropole: La Coupole de la rue de Bordeaux, établissement recommendé par le guide Michelin 1950, Le Petit Robinson de la rue de Rabat, Le Novelty de la rue de Marseille, Le Sélect du Boulevard de Paris, le Guillaume-Tell de l’avenue Lyautey, La Reine Pédauque, Le Gambrinus, La Rotonde, Chez Bernadette, La Lorraine...Côté brasserie, Le Roi de la bière, grand établissment tenu par M. Guillen, propriétaire, étale son taste dans le bas de l’avenue de la République. Le demi pression y coule à flot, frais, léger, parfumé. Les militaires, qui au moment de l’Indépendance seront près de 8 000, s’y sentent chez eux lorsque la marée basse du Camp Mézergues les libère de leurs obligations. Le soir, entre eux ou avec les filles aux cheveux relevés et en bas nylon, ils y soufflent la mousse de leurs chopes comme des bougies d’anniversaire. Un an, deux ans, trois ans, le temps coule sous l’uniforme comme une rivière souterraine, et creuse invisiblement ses cavernes de bonheur et de tristesse. Avec tous ces jeunes hommes encasernés. Meknès, bien entendu, sera aussi une ville de plaisirs. Le Quartier réservé, qui, avec l’eau bromurée, apaisait les ardeurs, etait propre et bien tenu. Il figure sur quelques vieilles cartes de la ville, mieux dissimulé sous le voile de son nom aseptisé que le Brousbir de Casablanca ou le Kombakir d’Alexandre.

Quant aux commerces, comme ils affichent naïvement leur opinion! Tous, ou presque, n’ont qu’une idée en tête: Meknès, c’est la France. La publicité, qui en ce temps-là était encore bonne fille, dit tout de bon ce qu’elle a en tête. “Les meubles de France, dont les magasins sont installés 8, rue Jean-Jaurès à Meknès, ne vendent que des meubles fabriqués en France.” On ne peut être plus clair. A-t-on besoin d’un livre ou d’une rame de papier? Le mieux est de courir à la Librairie-Papeterie de France, chez M. Euzet, 41, avenue de la République. Mais on peut aussi avoir envie de loger à l’hôtel de France, avenue Mermoz; ou à l’hôtel de Bretagne, avenue de Bretagne bien entendu; ou, pourquoi pas? à l’hôtel de Nice qui, lui, est bizarrement situé rue de Sète...En cas d’indisposition légère, on ira, comme de juste, demander conseil à la Pharmacie de France ou à la Grande Pharmacie de Paris".
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 0:43

"Meknès vue par ses habitants

L’amour qu le Meknassi porte à sa ville lui ressemble. Il y a quelque chose de tranquille et de profond. Il est exempt de morgue, comme il est exempt d’envie. Aller à Rabat, à Casa ne déplait pas, mais - disons le -cela fatigue un peu. En revoyant ses ramparts, ses mosquées, la nonchalance reconnaissable entre mille d’une circulation qui semble toujours près de figer comme une sauce par temps froid, le coeur du Meknassi se serre: Il est à la maison. Lorsque Léon l’ Africain écrivit, en 1566, que les habitants de Meknès avaient « le peuple de Fès en grande haine, sans savoir pourquoi ni comment », tout porte à croire que ce n’est pas un Meknassi qui coula ce mot de « haine » dans l’oreille du géographe. Meknès, en effet, ne hait point Fès, mais elle souffre, avec un peu de gène à l’avouer, de se savoir méprisée par la ville magistrate. En revanche Marrakech - commodément lointaine - est devenue la cité soeur, la jumelle du Sud. On se répète ces choses de la place Jemaa El Fna à la place El Hédime, et, au fond, cela suffit: les deux villes se sont fait, une fois pour toutes, des déclarations d’amitié.

Mais s’il aime sa ville, le Meknassi - faut-il y voir le résultat d’un long voisinage avec la mauvaise humeur française? - ne se gêne pas pour la critiquer. Il la voudrait encore plus belle, plus propre, plus active. Ces dernières années, les attentes sont devenues nombreuses, précises, impatientes enfin. Cet épanchement des griefs est le signe évident d’une meilleure liberté d’expression. L’avènement de Mohammed VI en 1999 et l’immense désir de réformes que le jeune roi a suscité ont en effet delié les langues. Dire cela ne va pas n’est plus critiquer l’autorité, c’est en quelque sorte aller dans son sens. En outre, cette insatisfaction paraît être le signe d’une inscription de la ville, et au-delà du Maroc, dans une plus grande contemporanéité. L’homme de notre époque, en effet, est ontologiquement insatisfait. Se montrer content de son sort, l’accepter sans se plaindre semblent aujourd’hui perçus presque comme des signes de sottise, des symptomes de cécité civique et morale; quant au stoïcisme, il apparaît non seulement comme une mauvaise valeur, mais comme le bâillon philosophique que les malheureux se mettent eux-mêmes sur la bouche pour etouffer leurs plaintes. Bref, Meknès, comme tant de villes du monde journellement alimentées par le goutte-à-goutte des désastres, est, à son tour, pleinement entrée en doléance. Les antennes paraboliques tendues par milliers vers le ciel des mauvaises nouvelles sont les stomates dilatés de ce nouvel appétit critique. Écoutons donc Meknès entrer dans ce concert universel de plaintes, et ouvrons les journaux où, sans cesser de dire qu’elle croit en son avenir, la ville sérieuse regarde ses défauts.

La voirie déficiente, si longemps endurée sans mot dire, est à présent montrée du doigt. Les nouveaux quartiers résidentiels, qui, grâce au talent des architectes meknassis, perpétuent la vitalité esthétique de la cité, sont en effet « géchés », écrit le journaliste d’Al Bayane, par des routes trop étroites et mal goudronnées. Il ajoute - et cette remarque surprend un peu dans un quotidien socialiste - que ces belles résidences sont « souvent attenantes à des quartiers populaires pollués et inquiétants.» La politique d’embellissement précaire menée par les édiles est également dénoncée en termes sévères: « La Place de la Municipalité dans la ville nouvelle [...] dont le beau jardin a couté une fortune est [devenue] triste à mourir: ses fontaines décoratives ont perdu leur marbre et quelques couches de peinture maquillent le défaut! » Ailleurs, c’est la promiscuité anarchique entre maisons d’habitations et commerces, ou entre commerces incompatibles qui est stigmatisée. « Il n’est pas rare, poursuit ainsi l’enquêteur, de découvrir que , près d’un marchand de prêt-à-porter de luxe, ouvre allégrement un marchand de beignets qui pollue l’atmosphère; tandis qu’un vendeur de casse-croûtes, de brochettes grillées, voit son commerce ruiné par l’ouverture d’un soudeur, ou qu’um café situé sur une grande avenue offre à ses clients une vue imprenable sur un garage de voitures maculant la chaussée et les trottoirs de son cambouis et de ses vieux bidons.» Et de conclure par une proposition: « Ce qu’on devrait revoir, à Meknès, c’est la politique des autorisations de commerce.» Mais le remède envisagé pour en finir avec cette promiscuité intempestive ne laisse pas d’étonner, puisqu’il s’agit, purement et simplement, d’un retour au passé. « Nos ancêtres, eux, avaient pensé à créer des quartiers entiers d’un même commerce, ce qui était loin d’être bête », rappelle le censeur. Il énumère alors les multiples avantages d’une politique d’occupation des sols à l’ancienne, sans paraître s’apercevoir que l’urbanisme contemporain, par souci de fonctionnalisme et de rentabilité, la propose dans toutes les grandes villes modernes sous le nom de zoning: embarras du choix pour le client; concurrence féconde pour des commerçants rivalisant de qualité et de propreté; suppression des nuisances. Nous sommes donc manifestement en pleine ambiguité, puisque le modèle du corporatisme médieval est, dans un journal progressiste, appelé à la rescousse d’un ordre libéral..."
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 0:49

"Rue Rouamzine
De plus près, les choses changent. L’entrée dans la médina, par la rue Rouamzine par exemple, fait voler en éclats la paix dormante de la vue générale. Le blanc gris des lointains devient jaune sale; l’ordonnancement des maisons, désordre, anarchie, lutte pour l’espace et pour la lumière; le silence, vacarme. De loin, le cheminement des piétons entrant et sortant de Bâb el Khémis faisait penser à quelque agitation autour d’un méat de fourmilière, vision inquiétante mais belle: les hommes passaient de l’intérieur à l’extérieur, furtivement, préservant leur mystère. La rue Rouamzine, qui a emporté les remparts comme une rivière en crue emporte une digue, a perdu tout pittoresque convenu. Ce n’est pas une rue, c’est un port, une blessure. C’est là que la modernité s’est engouffrée dans la vieille ville, pour atteindre au plus vite son centre vital, la place El Hedime. Large rue à deux voies, surchargée de passants, emcombrée de voitures, de camionnettes, de mobylettes qui empestent, « la Rouamzine » parle haut. Elle est sale, car elle travaille tellement qu’elle n’a guère le temps de se laver. Des cassettes de contrebande y hurlent sur les trottoirs, comme à la criée, leurs chansons d’amour en arabe, leurs rauques appels à la fidélité berbére. De pathétiques reprises de violons, venues comme un grand vent des orchestres du Caire, soufflent sur la foule en marche un destin de larmes et de colère. Parfois, au milieu de ce tintamarre, monte gravement d’une boutique pieuse la récitation de quelques versets du Livre Unique. De petits cinémas fréquentés par les soldats et la jeunesse sans espoir de travail afffichent des films indiens, aimés pour leur musique. Sur l’écran, les légendes du Ramayana, devenues incoherentes à force de coupes, sont aperçues à travers une mousson de rayures.

C’est dans la rue Rouamzine que les premiers Européens s’installèrent après 1912, au prix de quelques démolitions. Ils y construisirent maisons, commerces, garages, gargotes, petits hôtels; la première poste de la ville y ouvrit ses guichets grillages, d’où, comme des pigeons, arrivaient et partaient mandats, lettres et cartes postales... Quelques « pionniers », comme l’on disait alors, naquirent dans ce Far West et se souvinrent, avec la fierté de ceux qui ont dû se battre pour se faire une place au soleil, d’où était partie leur aisance. On y venait de France, bien sûr, mais aussi d’Espagne et d’Algérie. De petits commerçants grecs y plantèrent leur patience. Plus tard, lorsque l’essor de la ville nouvelle ouvrit des horizons plus larges à la colonisation, la rue Rouamzine devint un quartier européen de seconde zone. Des Algériens musulmans s’y établissaient, voisinant avec des Espagnols pauvres et des Français peu à peu déclassés. Avec le temps, la médina reprit le terrain perdu, colmatant la brèche, recousant la déchirure avec la grosse aiguille de la misère. Fait significatif, c’est de ce quartier que partirent les émeutes anti-françaises qui ensanglantèrent l’automne de 1956."

Marchand Rue Rouamzine
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A SUIVRE DEMAIN  Very Happy
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 16:14

Et je continue....

L' Hotel de ville et la Grande Poste, grandiosement situées sur l'Esplanade de France, parachèvent le décor dans une mise en scène digne du Chatelet. L'un et l'autre participent en effet de cette architecture solennelle, dont le Palais de Chaillot, à Paris, offre toujours la meilleure référence. A la mairie, on n'entre plus seulement chercher une fiche d'état-civil, à la poste, on ne va plus seulement expédier une lettre: on pénètre désormais dans un temple. Parce qu'on la fréquente plus que le palais municipal, la poste initie jour après jour la population au sens de la grandeur. Ses plafonds ont une hauteur de cathédrale, et sur ses murs, court la fresque aux tons chauds d'une épopée civilisatrice dont il faut continuer à être digne. Une seule ombre au tableau: l'église Notre-Dame-des-Oliviers tarde à sortir de terre. Malgré les quêtes et les souscriptions, les chrétiens de Meknès continuent d'entendre la messe dans la crypte. A ceux qui s'en étonnent, les clercs, le regard suavement nimbé de promesses, murmurent sur un air de cantique: "Il est permis d'attendre, il est doux d'espérer."

Pour orner son esprit, la ville française projette sur son plan cadastral les noms de quelques grands écrivains nationaux. Certes, ce sont surtout les Bugeaud, les Faidherbe, les Gallieni, les Franchet d'Espérey, les Maginot, les Mangin, les Leclerc, les de Gaulle, les Joffre, les Foch et les Lyautey qui sont à l'honneur, mais on peut aussi habiter rue Florian, rue Gustave Flaubert, rue Victor Hugo, rue de la Bruyère, rue Montaigne, rue Montesquieu, rue Jean-Jacques Rousseau, rue Blaise Pascal, rue Molière, rue Voltaire, rue Emile Zola ou rue Sevigné...La ville est un livre de classe, on y prépare son Certificat d'Etudes Primaires en s'y promenant. La Bibliothèque Municipale, comme le Pavillon de Breteuil pour le mètre étalon, est le reliquaire des grands classiques. Mais qui a le temps et le goût de les lire à Meknès, hormis les lycéens de Poeymirau et leur maîtres? Le courrier du Maroc, en septembre 1953, vend la mèche en titrant: "Une visite à la Bibliothèque Municipale de Meknès où les 2 000 romans policiers sont les plus demandés". Le journaliste a d'ailleurs l'air de considérer que le chiffre de deux mille, pour une bibliothèque, est énorme. Etonnement révélateur... Ajoutons pour être juste qu'il existe, rue de Lyon, une librairie baptisée La Comédie humaine. Balzac y est à l' honneur, mais les dames peuvent aussi y acheter Nos amis les légumes, par Mapie de Toulouse-Lautrec.

Madame Delavigne forme un groupe de Jeunesses Musicales. Le Conservatoire, blanc et aéré, mousse de musique jusque sur l'avenue de la République. Quand il fait chaud, par les fenêtres ouvertes, on entend un violoncelle ronronner, et, comme un oiseau dans sa cage, un ténor qui chante: "Jupe bleue et nattes tombantes! Ce doit être Micaëla..."

A la belle saison, les peintres peignent, plus nombreux que jamais. Ils peignent le samedi, le dimanche et les jours fériés, couvrant la ville de croûtes, dont certaines, en séchant, deviendront charmantes. Matteo Brondy, mort en 1944, a sa rue tout près du marché. C'etait le Francis Jammes du pittoresque marocain; lui aussi aurait pu écrire , tant sa palette était fraiche et naive: "Prière pour aller au Paradis avec les ânes". Mais Edmond Valès apparaît, qui reprend les terres laissées en jachère par la mort de Brondy. Il les labourera pendant plus de cinquante ans, faisant sortir de son pinceau et de sa pointe sèche porteurs d'eau, marchandes de pain, grandes compositions de fantasias, belles têtes de Berbères, belle têtes d' Arabes, cavaliers au galop, cavaliers au repos, et, de nouveau, porteurs d'eau, marchandes de pain, grandes compositions de fantasias, belle têtes de ...

De leur côté, les militaires poursuivent leur oeuvre de pacification sur le terrain de l'hygiène. En 1952, le général Duval, commandant supérieur des troupes du Maroc, institue, sans ironie apparente, La semaine de la mouche et du rat. Il s'agisssait de rendre les cantonnements aussi propres et sains que possible, car, comme l'écrivait avec éloquence le pharmacien lieutenant-colonel Gentry: "Dans un pays, il se peut que l'on connaisse mal les bigarrures de la population; l'esprit, du moins, peut les ignorer. Mais il est impossible, habitant au Maroc, de ne pas connaître, sous ses aspects les plus désagreables et parfois ses effets les plus dangereux, cette faune de parasites, ailés ou rampants, hôtes des personnes, meubles et immeubles: moustiques, puces, poux, punaises, cafards et cancrelats!

Bref au milieu des années 1950, le fruit est mûr. Les qualités et les défauts français ont, à Meknès, la plus belle mine du monde.

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A suivre
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 16:19

FONDÉE PAR LYAUTEY L’ ÉCOLE MILITAIRE DE DAR EL BEIDA VOULAIT ÊTRE LE SAINT-CYR DU MAROC
L’ école militaire de Dar el Beida fut sans doute un lieu privilégié de contact entre officiers français et fils de familles marocains. Là, des affinités de caste, plus importantes pour un Lyautey que les affinités de race, purent s’exprimer. L’idéologie qui les rendit possibles, et sans doute aussi sincères, était, au fond, la même que celle que Jean Renoir fait si bien sentir dans son film La Grande Illusion: le capitaine de Boïeldieu et le colonel von Rauffenstein fraternisent, au-dessus de la guerre qui déchire leurs peuples, parce qu’étant de la même classe, ils partagent les mêmes valeurs et éprouvent les mêmes répugnances. Lorsque Lyautey compare les M’Tougui, les Goundafi, les Glaoui à des Montmorency marocains, à des barons musulmans, il donne ainsi libre cours à cette utopie d’internationale aristocratique derrière laquelle se remparait son conservatisme...
L’École de Meknès fut également, pour les officiers français, un lieu de rencontre exceptionnel: le futur maréchal Leclerc y fut instructeur, tandis que le capitaine Guillaume, qui deviendra le Résident général responsable de la déposition de Mohammed V, la fréquenta du temps qu’il servait, sous Poeymirau, au bureau régional des Affaires indigènes. Ainsi fut-elle, pour bien d’autres encore, l’un de ces cercles où les amitiés se fondent et où, pour ainsi dire , les carrières se flairent de loin. Mérite-t-elle cependant le nom un peu ronflant de Saint-Cyr marocain qui lui fut si promptement décerné? Rien n’est moins sûr, si l’on regarde la future carrière de ces fils de grands caïds prêtés à la France par leurs pères en gage de loyauté. Et Michel Jobert, observateur précis et sans complaisance de sa ville natale, aura beau jeu de faire remarquer qu’ils plafonnèrent le plus souvent au grade de commandant, parvenant à l’extrème rigueur à celui de lieutenant-colonel.

La politique médicale du Protectorat , telle qu’on peut la suivre à Meknès, n’est pas sans relation avec ces grands principes qui faisaient du soldat, et tout particulièrement de l’officier, le levain de la pâte naionale. L’hôpital militaire, le fameux hôpital Louis, ne pratiquait pas en effet de distinctions communautaires: on y soignait avant tout des soldats, qu’ils fussent marocains, français ou autres. C’est là une différence importante avec la situation générale qui, sans toujours apparaître clairement dans les textes, prévaudra dans un Maroc distinguant établissements civils pour Européens et hôpitaux « réservés» aux indigènes. L’argumentaire diffus justifiant cette séparation met en avant deux types de raisons. D’une part, il motive la ségrégation par des différences de mœurs et par les états sanitaires très inégaux des deux populations en présence. Un Eugene Guernier, par exemple, n’en fait pas mystère. « Si la promiscuité des deux peuples offrait aux points de vue politique, social, religieux et moral les pires difficultés, que dire des dangers qu’elle aurait pu faire naître au seul point de vue sanitaire? » Mais, d’autre part, un historien comme Daniel Rivet a bien montré que la demande d’une médicine socialement clivée émanait également des classes supérieures de la émarocaine . Les élites musulmanes, les personnes de condition obtinrent ainsi le droit d’etre soignées dans des pavillons particuliers construits au sein des hôpitaux indigènes, afin d’échapper a une mixité sociale qui les incommodait et les humiliait. D’un côté, les ‘ayan’ (les notables), pour reprendre la terminologie arabe, de l’autre les ‘amma’ (les gens du commun). En outre, et nous retrouvons bien là l’idée d’une fraternisation aristocratique à la
Lyautey, les notables civils pouvaient être admis, sur recommandation, dans les établissements militaires. Après 1945, ils demanderont avec insistance leur admission de plein droit dans les hôpitaux civils destinés aux Européens. Ils manifesteront ainsi non un attachement à l’égalité communautaire, mais, de façon éclatante. Le désir d’être reconnus comme des pairs par les notables français. Lyautey, dont l’œuvre politique allait en partie sombrer avecl’Indépendance, avait, en misant sur les atavismes de castes, paradoxalement triomphé dans les cœurs.

L’hôpital Louis de Meknès, avec ses coupoles persanes, ses pavillons blancs égaillés dans des jardins plantés d’eucalyptus, sera, dans une région encore longtemps infestée par le typhus, un lieu de réconfort. On n’y guérissait pas toujours, mais on pouvait y mourir dans une chambre propre, sous les yeux d’une de ces infirmières infatigables qui apportaient aux agonies solitaires le soulagement d’une image de mère. Le docteur Louis avait, nous dit Michel Jobert, les yeux bleu tendre et une silhouette gracile. Il avait soigné, entre 1912 et 1916, les typhiques entassés au Palais Jamaï, et mourut, comme tant d’autres, pour avoir été contaminé par ce microbe sans idéal, qui, ignorant tout des doctrines politiques, passait sans discrimination des ‘ayan’ aux ‘amma’ des djellabas aux vareuses, et des vêtements de travail aux blouses blanches.

Par un effet du hasard, l’hôpital Louis de Meknès, portant le matricule 334, sera le dernier établissement militaire à rester sous administration française après l’indépendance du Maroc. Il sera remis aux nouvelles autorités sanitaires en 1961.

L' académie militaire de Dar el Beida
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 16:29

L' âge d'or

L'après-guerre apparait comme un temps de fête et d'insouciance. Après la peine, les plaisirs. Dans les rues, où ne circulent que des voitures françaises réparées et vieillottes, surgit, comme une pin-up dans une assemblée paroissiale, la carrosserie sexy de la première limousine américaine. On regarde de travers ses chromes et sa couleur de bonbon, mais on en rêvera la nuit. En quelques années, l'Amérique entrera dans les cœurs par ses Buick, ses Chevrolet, ses Cadillac, ses Lincoln, ses Mercury, ses Plymouth, et ses Pontiac. Les grands garages de l'avenue Lyautey, comme France-Auto où les Établissements Henry Bernard, seront les ambassades de ce luxe à couper le souffle. Lorsqu'une Chevrolet Bel Air 1950 descend majestueusement l'avenue de la République, les conversations s'arrêtent et les têtes se tournent vers ses rondeurs opulentes et l'éclat de ses flancs blancs. Dans les bars de la ville, l' American way of life sort ses premières cornes. Au Poker d'as de la rue de Marseille, les Gauloises patriotiques battent en retraite devant les cigarettes Koutoubia, élaborées, proclame fièrement la publicité, à partir d'une « sélection de tabacs américains fabriqués aux U.S.A. » Sur le front musical, les premiers disques de jazz donnent le cafard à l'accordéon; tandis que les Américains de la base aérienne exigent que la potabilité de l'eau de Meknès leur soit certifiée par un pharmacien militaire assermenté...

En outre, le luxe de boire frais entre dans les maisons. Alors que les Français de France devront encore attendre quelques années, les Meknassis à l'aise auront leur frigidaire dès le début des années 1950. Une publicité en couleur vante ainsi les mérites du fameux réfrigerateur Poirson, qui fonctionne à l'électricité en ville et au pétrole dans le bled. On y voit une jeune femme, en soutien-gorge, sourire largement au bonheur du glaçon à toute heure. Visiblement, elle n'a cure des mises en garde de Céline, qui prophétisait que l'introduction de la glace aux colonies serait « le signal de la dévirilisation du colonisateur ». La salle de bain, qui gagne du terrain en ces même années, couronnera cette assomption vers le confort. On visite, entre amis, ces lieux intimes, et qui, naguère, étaient les pièces nues de la maison.

Dans le même temps, les commerces du non indispensable se développent. Quatre fleuristes voient ainsi le jour dans ce pays où les fleurs sont cependant partout. L'art du bouquet payant les habillera désormais d'asparagus et de papier cristal. Les roses de jardin, grosses filles aux bonnes joues, resteront dans les cuisines. De même, huit photographes s'installent en ville nouvelle, fixant le bonheur officiel des mariés, des communiants et des permissionnaires. Pour l'évasion, de nouvelles salles de spectacle sont construites: L'Empire, cinéma-paquebot dont l'embarcadère cossu se trouve avenue de la République; l'A.B.C., qui, rue Jean-Jaurès, se souvient d'un music-hall de Paris; et, sans doute le plus singulier des trois, le Caméra, qui rêve de cinéphilie place du Général-de-Gaulle. On y projette des films français et des films américains. La France, c'est Jour de fête, son accent berrichon et son facteur nigaud; l'Amérique, La Charge héroique et Rio Grande. Déjà, l'autodérision; déjà, le désir. Par l'entremise des films américains, de nouvelles manières de vivre, lentement, périment et humilient les anciennes. On commence à rêver de dents éclatantes et de longues jambes, on ose se faire appeler Johnny. Le bonheur d'aujourd'hui fait son apprentissage.

Mais la France bien française n'est pas en reste. Meknès se veut un petit Paris. C'est le moment où, croyant précisement se libérer de sa condition provinciale, une ville affiche son provincialisme. Comme à Paris devient l'étalon des poids et mesures, l'arbitre des élégances et des succès. Quand, au Régent, cinema music-hall de la rue La Fayette, une tournée dépose sur la scène le repertoire d'une chanteuse capitale dont la gloire a traversé la mer, les rues de Meknès brillent comme à Montparnasse. Oubliée pour un soir, la fine odeur citronnée des oliviers en fleurs! on rentrera chez soi grise par le parfum un peu fauve de la scène et des velours cramoisis. Avec un peu de chance, en ces années-la, on pouvait voir Michèle Morgan et Henri Vidal descendre le boulevard de Paris, beaux et souples comme des félins amoureux, entrer chez Madame Aquaviva,dépositaire exclusif du grand couturier Lempereur, en ressortir avec des chemises de soie, des robes sabliers, et ces merveilleux gants fourreaux qui transformaient les doigts en longues fusées de cristal... Des célébrites plus familières avaient aussi leurs habitudes à Meknès; ainsi Paulette Dubost, l'inoubliable soubrette de la Règle du jeu, venait y visiter ses amis Pagnon et, tonifiée par le bon air, y satisfaire le solide appêtit qui faisait l'admiration de Jean Gabin.
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 20:36

"Au cours de toutes ces années, la population continue d'augmenter. En 1951, la ville compte 21 000 Européens civils, dont 19 000 de nationalité française, et, nous l'avons dit, 8 000 militaires. Cinq ans plutard, quand sonnera l'heure de l' Indépendance, le chiffre de 25 000 civils aura été atteint, soit, en ajoutant les Français de la garnison, près de 20% de la population totale de la ville. Cette croissance nécessite de nouvelles infrastructures. En 1954, le système d'adduction d'eau s'achève: avec un débit moyen de 1 600 litres par seconde, la source de Bittit alimente désormais Meknès et sa région. C'est là un progrès considérable. Mais qui s'en souvient encore aujourd'hui? Alors que la mémoire collective a fidèement conservé le souvenir du spectaculaire orage de grêle qui s'abattit sur la contrée le 27 avril 1948, ou celui du terrible accident de chemin de fer survenu au soir du 24 juin 1945. L'histoire des drames, on le sait, érige des monuments, tandis que celle des inventions positives s'écrit à l'encre invisible.

Avec ce surcroit de population, la ville nouvelle, déjà, doit s'étendre. Les quartiers neufs parlent d'eux mêmes: ils s'appellent La Touraine, Plaisance, Bellevue, Anciens Combattants et Familles Nombreuses...Ils ont vue sur la campagne, et, oubliant ce qu'ils ont eux-mêmes détruit, pensent que leur belvédère durera toujours. Plaisance est le plus chic d'entre eux. Il s'étend vers Fès, et regarde le Zerhoun; les jardins y sont vastes, les maisons sentent la bonne cachette, le désir de charmille, le petit coin heureux où finir ses jours...Un café s’y est même installé: Aux Tonnelles. Il n'y a pas le téléphone, mais il suffit d'appeler la cabine de Plaisance, et le préposé, quittant son modeste bureau grillage, ira porter le message au patron.

La ville compte alors une petite trentaine de médecins privés. La plupart portent des noms français: Belot, Boutin, Chevassus, Cornette de Saint-Cyr, de Longueval, Eyssauthier, Fruchon, Guidon, Jouanneau, Jugnet, Leguay, Macabiau, Magnol, Morillot, Motte, Pambet, Ponsan, Poublan, Poulain, Verdier, Vincent...L'annuaire médical de Meknès ressemble à l'appel du matin dans une école primaire. On remarque aussi un nom d'origine polonaise, Krizosky, deux d'origine italienne ou corse, Guglielmi et Micaelli; deux d'origine juive, Haloua et Elalouf; enfin, un seul d'origine musulmane, Kiouche. Tous ces praticiens, à l'exception du Polonais et du musulman, exercent en ville nouvelle. Certains seront des gloires locales, tel que le docteur Alfred Cornette de Saint-Cyr qui, presque jusqu'à la fin de sa vie, opèrera dans sa clinique du 20, esplanade du docteur-Guiguet. La clinique Cornette, dont le nom est resté en usage, était un peu l' Hopital américain de Meknès. Sa présence rassurait les maladies aisées. Et ce nom magique, en effet, continue d'évoquer quelque bénéfique cornette blanche d'infirmière religieuse, à l'ombre de laquelle on est sûr d'être bien soigné".
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 9 Juil - 20:43

LES SOUKS
Que reste-il, dans le labyrinthe des venelles, des anciens souks de Meknès. Beaucoup et peu à la fois. Beaucoup, car les ruelles sont pleines de ces commerces lilliputiens qui proposent au chaland la subtilité d’une broderie, la couleur d’une lanterne, la souplesse d’un cuir. Il y a même encore quelques-uns de ces damasquineurs, qui faisaient jadis la gloire de la cité; assis devant leurs gros oiseaux de fer poli, ils ont depuis longtemps oublié Seville. L’antique kissaria, qui tire son nom de César, existe même encore, avec ses coupons de tissus pour toutes les bourses, ses caftans pendus comme des appeaux de fêtes, ses babouches brodées. Oui, rien de tout cela n’a disparu et quelques centaines de commerçants cherchent encore leur vie dans la grande ombre des mosquées communautaires. Mais si l’on compare la situation présente à la luxuriance d’un passé encore proche, quelle décadence du commerce et de l’artisanat traditionnels! Meknès, en effet, n’a pas comme Marrakech la ressource d’un tourisme qui assure à ses produits la certitude d’un débouché, fut-il modeste. Les souks de Meknès, et c’est d’ailleurs ce qui fait leur parfaite authencité, sont des marchés utiles: les épices qui s’y vendent assaisonneront des ragoûts et ne serviront pas à constituer d’improbables « souvenirs».

Si animés qu’ils puissent encore paraître, ces souks n’ont plus ainsi qu’un lointain rapport avec ce qu’ils étaient lorsque tout le commerce de la ville devait passer par leur tamis. La liste des anciens souks, à l’interieur desquels les commerçants étaient regroupés par activité sous la responsabilité d’un M’hetteb, est en effet impressionnante. A leur évocation, c’est tout un Moyen Age de corporations qui redresse ses bannières. Il y avait le souk des babouches et des souliers (Es Sabat), la Kissaria el Harir où se négociaient les soieries, les souk des parfums (El Attarine), celui où l’on pouvait acheter les seaux en bois qu’on utilise au hammam (El Kebbabine), les souks où l’on vendait du blé (Ezraa), de la farine (Edakaka), des fèves (El Kechacha), des pois chiches (El Hmamsiya), de la vannerie (Es Sellaline), de la menuiserie (El Nejjarine), de la ferronerie (El Haddadine), de la tôlerie (El Kzadriya), de l’armurerie (Dar Sneh)...A cela s’ajoutaient les joutiya, où l’on peut toujours vendre à la criée vieux vêtements et tapis anciens, ainsi que ces véritables infirmeries pour objets blessés où travaillaient les modestes réparateurs de vieilleries en tous genres (El Bradiya et El Kherraza)...

Cette marqueterie de métiers existe encore, certes, et quelque chose subsiste de l’ancienne distribution corporative. Bijoutiers, babouchiers et marchands de tissus font toujours bon ménage; et nul dinandier ne s’aviserait d’aller installer son martèlement dans le voisinage des élégances. Mais, dans l’ensemble, les quartiers se sont resserrés, pour constituer, rayonnant autour de la Grande Mosquée, un espace traditionnel unique. On commence d’ailleurs à dire le souk et non les souks, prenant acte de l’évolution. Dans cet espace, dont la confusion des ruelles augmente heureusement la taille réelle, les Meknassis croisent peu de touristes, si ce n’est par paquets et pour peu de temps. Ce marché est en realité celui des habitants; ils s’y rendent encore en vêtements traditionnels, même si, pour les hommes, le jean et la casquette à visière gagnent chaque jour du terrain. Les femmes portant la djellaba, mais non nécessairement le voile, y sont fort nombreuses à regarder ce qui les regarde: bijoux, vêtements et cosmétiques... En fin d’après-midi, elles s’y promènent par deux, parfois seules, faisant crisser sous l’ongle le lamé d’une étoffe, portant à leur nez, d’un geste vif et sûr, la prise de henné qui leur dira si l’herboriste vend bien ce qu’il promet. On dit à Meknès que les femmes aiment particulièrement la couleur mauve, et que le jaune et le rouge, liés à certains génies, sont des couleurs menaçantes protégeant celles qui les portent. Une femme mauve en promenade suivrait ainsi son goût, tandis que les jaunes et les rouges se garantiraient des indiscrétions inhérentes à toutes déambulation au coude à coude... Les dictons disent, et la sociologie vérifie, c’est dans l’ordre des choses. Mais nul sociologue, à notre connaissance n’a encore fait, dans le vieux Meknès, le savant décompte des couleurs en promenade: l’avantage reste à la légende.

Au Maroc, la gentillesse des commerçants est presque légendaire. Les légendes, on le sait, deviennent vraies à force d’être racontées; et il ne fait guère de doute que celle-ci a servi de guide à bien des comportements. A Meknès, la civilité prend une forme sérieuse, dans laquelle la jactance et la caresse marchande n’ont presque pas de part. La politesse consiste à traiter l’étranger comme s’il ne l’était pas: exercice difficile où ne peuvent exceller que ceux qui possèdent l’art profond de se taire. Un bonjour dit de loin, un regard qui montre, modestement, qu’il reconnaît un visage, et c’est parfois tout; mais on se sait considéré, et, peu à peu, on devient l’obligé de cette delicatesse sans ostentation. C’est le moment où on achète. Dès lors, l’amitié, cette amitié des rues qui se nourrit de rien, se trouvera scellée et trompera souvent l’intelligence méfiante de ceux qui aiment à voir, au travers des amabilités qu’ils recoivent sans les rendre, la trame de l’intérêt mercantile. On pourra bien rester des années sans se revoir, cette amitié-là, pure et presque sans objet, reverdira aux premières retrouvailles. Que dire de pire, qui ne sombre pas dans la niaiserie ou dans l’erreur? Peu de chose en vérité, si ce n’est en appeler à l’expérience.

La nuit tombe vite dans les ruelles couvertes. Les ampoules y courent un moment en guirlandes naïves, tandis que les derniers chalands deviennent des ombres couleur de cendre pressant le pas. L’appel à la prière du soir, jailli de tout près, étend sa mélancolie sur les commerces, toujours graves à l’heure des comptes. Tous ne prient pas, mais tous entendent le rappel à l’ordre du destin. Chacun, dans le secret de son cœur, sait le peu qu’il a gagné aujourd’hui et ce qu’il lui faudra espérer demain. Bientôt, on cadenassera le téléphone; on rentrera les caftans et les blousons qui pendent; et, d’un geste rendu sûr par la manœuvre de toute une vie, on accrochera sur la boutique les volets de bois qui la ferment pour la nuit. Les commerçants, comme des oiseaux qu’un même bruit fait s’envoler, partiront tous ensemble. En un instant, les souks seront déserts. C’est le moment où l’on voit, dans les quartiers où se vendent les choses délicates, que quelques volets sont encore ornés d’entrelacs et de fleurs, jaunes, rouges et verts. Meknès est bien une ville faite pour la paix du sommeil: c’est quand elles sont fermées que les paupières de ses boutiques sont les plus belles.
COUTURIERS DE PLEIN AIR
LA MEDINA DEMEURE LE PREMIER ATELIER DE LA VILLE
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Message  Ghislaine Jousse-Veale Jeu 10 Juil - 16:30

Meknès-Médina
La médina de Meknès a une forme très reconnaissable, que le temps n’a pas altérée. Vue de loin, c’est une cité allongée sur un plateau qui se découpe sur le ciel. L’impression est douce et pleine à la fois: ni trop petite, ni trop grande. Meknès ressemble à un paquebot voguant lentement dans l’azur. Les cartes les plus anciennes comme les photographies d’aujourd’hui témoignent de la permanence de cette horizontalité rassurante. Les remparts ocre, qui, de loin, n’offrent aucune brèche visible, cernent la gouache blanche, jaune et verte des maisons et des minarets d’un poudroiement d’or. Découverte par le nord après la poussière de la plaine asséchée par l’été, la ville produit un effet d’oasis. Elle est, ce que peu de villes sont encore, une idée de ville à l’état pur, une sorte de maquette géante posée à contre ciel. Il est rare que le voyageur qui aborde Meknès par la route du nord n’éprouve pas le besoin de faire une courte halte pour regarder de loin cette promesse de civilisation. De plus près, quand on vient de Rabat par exemple, c’est le surgissement des remparts qui l’emporte. On a quitté, il y a quelques heures, une ville coquette fleurant bon l’urbanisme ensolleillé des années 1930, et , brusquement, à un tournant de la route, on débouche sur la haute porte de l’ Histoire. La plongée dans le temps saisit comme une plongée dans l’eau froide.

Au Maroc, toutes les villes ont leur couleur. Meknès-Médina est couleur de glace fondue, comme si, lentement, les cubes de ses maisons blanchies s’étaient mis à dégeler. Le ciel peut bien être d’un bleu pur, le soleil faire rougeoyer les remparts, ce sentiment de blanc fragile demeure en toutes saisons et presque en toute circonstance. La ville a pris la teinte d’une brume qui tombe. Sur l’autre versant de la vallée, l’hotel Transatlantique, du haut de son luxe patiné, est le mirador de ce scintillement mélancolique.

La réputation de la ville procède ainsi de cette douceur. A l’inverse de Fès, pleine de plis et de replis inquiétants, Meknès, sagement souriante, ne fait pas peur. Souvent, on dit d’elle qu’elle est paisible, tranquille, réfléchie...Ces adjectifs, qui devraient louer, dissimulent un peu de condescendance. Sous ces compliments sérieux, on lit sans peine: lente, assoupie, peu active. Meknès « la bien brave ». Une telle réputation ne date pas d’aujourd’hui. Dans La Rivière aux grenades, Michel Jobert, racontant l’histoire d’un artilleur français longeant Meknès pour se rendre à Fès en 1877, décrit, autant avec ses sentiments de natif de la ville qu’avec ses yeux, une cité immobile et un peu triste. « Derrière le décor sec et théâtral, écrit-il, peut-être vingt mille habitants s’entassent dans ces cubes étagés contre les mosquées. Ce n’est qu’une bourgade, malgré l’air de grandeur et de triste abandon qu’affichent la double enceinte, les portes fermées sur leur enjolivures de mosaïques, les champs pris entre les murs et livrés au jaune léger d’exubérantes ravenelles. Peu de mouvements alentour, sinon quelques très vieilles femmes remontant péniblement du ravin broussailleux, le dos chargé de branches et de feuilles d’aloès sèches, proies misérables du temps dont personne ne veut plus ». Une vieille femme portant des fagots dans un vallon désert, belle allégorie pour les armes de Meknès!

On pourrait penser que cette vision d’une ville souriant doucement dans son sommeil est celle d’étrangers cédant aux facilités de l’orientalisme. Il n’en est rien. Pour bien des marocains d’aujourd’hui, Meknès reste une belle endormie, une ville qui mesure ses efforts, non parce qu’elle n’a plus le cœur à se battre et que, dans l’experience de l’immobilité, elle a pris goût aux délices de l’ombre et de l’inanité. Le journal d’obédience communiste Al Bayane qui jouit de la réputation d’être le quotidien marocain de langue française le mieux écrit, part ainsi de cette réputation dans le supplément récent qu’il a consacré à Meknès.

Meknès, un joyau oublié; Meknès, le phénix qui renaît de ses cendres; Meknès, qui bouge enfin, peut-être pas assez, mais qui bouge quand même, ces phrases et ces titres parlent d’eux-mêmes. Ils montrent à l’évidence que la vieille renommée d’indolence, de richesse finalement plus grande qu’on ne le croit et de patrimoine à redécouvrir a la vie dure. La ville doit s’accommoder de ces visions à distance, et le fait de bonne grâce. « La réputation d’un homme, écrivait Jules Renard, joue pour ou contre lui plus vite que lui-même. »

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Message  Ghislaine Jousse-Veale Jeu 10 Juil - 16:35

Les deux marchands
Ils s’étaient retirés dans le coin le plus obscur du magasin, l’un demandant qu’on éteignit la lumière, qui lui faisait mal aux yeux, l’autre s’empressant de faire le noir.

De loin, on ne voyait plus que deux capuchons neigeux, affectueusement tournés l’un vers l’autre. Aux plis des djellabas blanches du vendredi, les ombres s’emplissaient de bleu.

Alors commença un long échange de questions et de réponses polies. Ils voulaient, l’un et l’autre, absolument savoir si tout allait bien à la maison, si la santé était bonne, si les affaires marchaient à leur convenance ; et, à chaque réponse, ils rendaient grâce à Dieu d’un Hamdullilah sonore et dévot. Puis, un peu de silence immobilisa les masses blanches. Du temps passa. Aucun des deux marchands ne voulait aborder le premier l’ affaire pour laquelle ils avaient voulu se voir. Soudain, l’un se pencha doucement sur l’oreille de l’autre et, négligemment, y laissa tomber une proposition. Il y eut un peu de remuement dans les capuchons. La ! répondit tout sourire celui qui n’avait pas parlé. Non, vraiment, la somme était insuffisante. Un peu de silence encore. Puis, le second capuchon revint vers le premier et, comme en confidence, glissa une contre-propostion. Le chiffre sembla beaucoup amuser le premier capuchon, qui, à son tour, fit entendre son La !

Ce petit jeu dura une bonne-demi-heure, avec des grâces, des sourires. Des rejets en arrière, de longues suspensions de parole entrecoupées de jeux de scène charmants ou chacun voulait relever le coussin de l’autre pour qu’il fût plus à son aise. Mais, régulièrement, au milieu de ces douceurs, revenait le La ! sec et obstiné qui empêchait le marché de se conclure.

Alors, quand tout fut bien figé, on ralluma la lumière, et les deux marchands, se tenant toujours étroitement par la main, firent quelques pas jusqu'à la porte du magasin. A cet instant, comme pris d’un doute, ils se demandèrent encore des nouvelles, en rafales, si collés l’un à l’ autre, se posant des questions si semblables et se faisant des réponses si pareilles, qu’on avait l’impression qu’un même homme parlait avec deux bouches.

Les visages restèrent radieux jusqu’aux dernières bénédictions. Puis la masse blanche se déchira d’un coup et chaque marchand rentra chez lui. Ils se quittaient fort mécontents l’un de l’autre."

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