Meknès, Au Roi de la Bière
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Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929

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Message  Jacques Merlin Lun 12 Aoû - 22:16

Bonjour à Toutes et à Tous,
 
En 1929 et 1930, ma mère, Odette Derennes qui avait alors 24 ans, est venue passer quelques semaines auprès de son frère René Derennes affecté comme Médecin-chef au Poste de Khénifra.
 
Voici in extenso, le journal rédigé par ma mère à l’intention de sa mère Laure Jagues, ma grand-mère, et de sa sœur Arlette, ma tante « Lily ».


Jacques Merlin
 
-------------------------------


Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929 Eanda-10


A bord du « Volubilis »
Mercredi 6 novembre 1929
 
Après vous avoir quitté à Bordeaux, j’ai regagné ma cabine et ai fait la connaissance de mes compagnes de voyage :
- une jeune femme de Guéret qui va à Meknès et qui est la sœur d’un de mes camarades de Médecine : un grand Navalais qui était au départ du bateau et que j’ai montré à Lily ; elle est très gentille.
- une personne de 40 à 45 ans de Villeneuve-sur-Lot -
On a fait vite connaissance et bon ménage. Nous ne sommes que trois dans la cabine, la couchette qui est au dessus de moi est libre aussi je l’ai occupée.
Vers 7 h. a eu lieu le deuxième service ; le dîner a été très gai et on ne fait pas de façon pour faire connaissance. – la sœur du Navalais, l’oncle et la tante de G. et moi sommes à la même table.
Le service des chambres et de la salle à manger est fait par des hommes - il n’y a pas de femme de chambre sur le bateau.
Voici le menu :
Bouillon, langue de bœuf champignons, ragout haricots, mouton, salade, fromages, figues, noisettes, amandes, infusion ou café, vin blanc et rouge  plus glace. On a fait repasser tous les plats deux fois et mon Dieu, ce n’est pas trop mauvais.
Après souper nous sommes allés nous coucher. Le bateau glisse, nous ne ressentons rien, aussi c’est du lit que je vous écris.
Le garçon vient de venir et nous a pourvu toutes d’un récipient (on l’appelle « le haut parleur ») destiné à recevoir vous savez quoi…
Nous sommes au niveau de Pauillac, le bateau tangue un peu plus qu’au départ.
 
 
 
Vendredi 8 novembre 1929 –
 
Je ne reprends mon journal qu’aujourd’hui. Le mal de mer s’est fait sentir le mercredi soir (5 h. du matin) jusqu’au jeudi matin ; c’est moi qui ai donné le signal dans la cabine ; les autres qui crânaient n’ont pas tardé à l’avoir et à partir du moment où je n’ai plus mangé, tout a cessé.
C’est du front du bateau que je vous écris, allongée sur une chaise longue ; je viens d’y monter pour une heure environ ; le temps est frais mais il ravigote un peu.

L’ami de R. que je viens de voir m’a dit qu’il a été malade – Le 1er jour, jeudi, tout le monde a été malade, je crois qu’il n’y avait que 2 messieurs à la salle à manger –
Le garçon de cabine passe avant tous les dîners et nous porte le menu afin de choisir, mais je vous assure qu’on a nulle envie de manger.
- jeudi midi et soir : tilleul
- vendredi potage saucisson et pain – soir potage légumes –
Sur le menu il y a des choses très appétissantes, ça vous fait bisquer de les voir passer sous votre nez sans pouvoir y toucher.
On a surtout eu le mal de mer pendant la traversée du Golfe de Gascogne.

Monsieur M.  est venu me dire bonjour. Il n’a pas eu le mal de mer et a été charmant – Il m’avait invitée à venir le soir au fumoir me disant qu’en première classe on faisait de la musique, il doit m’attendre toujours – Vous pensez que je n’avais nulle envie d’y aller.
Nous avons laissé pendant toute la traversée le hublot ouvert – cela nous a permis de voir une nuit le « Meknès » passer dans le Golfe de Gascogne – c’est un très beau paquebot – Au passage le Volubilis et le Meknès se sont salués -
 
 ---------------------------------
 
Samedi 9 novembre 1929 -
 
Aujourd’hui cela va tout à fait bien ; nous sommes en vue des côtes d’Espagne et du Portugal. On nous annonce déjà un retard pour l’arrivée et cela à cause du brouillard – Tout le monde est sur le pont, sur des chaises longues, il y a énormément de brouillard et d’humidité ; vous ne pouvez vous imaginer la température qu’il fait déjà. On étouffe. Nous ne sommes pas loin du Maroc… Je viens de voir Monsieur A. qui est venu me dire bonjour sur le pont des secondes classes – Il me dit « Vous ne savez pas comme je suis malheureux, je sue à grosses gouttes » et cela était vrai en effet. Nous sommes allés visiter avec lui les Premières – il m’a proposé d’aller prendre le thé à 17 h. - J’ai refusé – on voit que c’est un homme bien élevé.
La journée de samedi s’est très bien passée – Les passagers ont dansé- Je vous préviens que j’ai refusé car je ne me sentais pas le cœur très solide. Tous les jeunes officiers jouent au bridge avec un acharnement sans pareil – Il y a énormément de jeunes gens, une quinzaine pour deux jeunes filles – inutile de vous dire le genre – aussi je ne suis pas allée avec elles – l’une des jeunes filles, vous la connaissez, elle a 25 à 27 ans, elle vend des tissus au magasin à côté de Femina ; elle est toute menue et mignonne – une figure un peu chiffonnée – Tous les jeunes gens tournaient autour d’elle.

Hier soir, nous avons veillé jusqu’à minuit – les jeunes gens se sont déguisés, on a dansé, et tous les hommes ont chanté ou récité des chansons amusantes. A minuit, on est allé prendre un bock avec l’oncle de Germaine. On m’a demandé de venir faire la quatrième à un bridge, j’ai refusé – la sœur du Navalais y est allée et a joué jusqu’à 3h. du matin.
Parmi les jeunes gens sur le bateau, il y a un certain Monsieur X de Y, d’Aire-sur-l’Adour ou de Cazères - Il est bon garçon mais ne présente pas très bien – il connait presque tout le monde dans les Landes – Il m’a dit qu’il était parent avec les Z.


--------------
Cordialement.
Jacques Merlin


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Message  Ghislaine Jousse-Veale Lun 12 Aoû - 22:29

Jacques - C'est super d'avoir garde cette lettre et merci de la partager avec nous.
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Message  Admin Lun 12 Aoû - 22:53

Quel excellent document JACQUES...cheers  cheers 

On voit bien l'importance de ces anciens rapports écrits à la main...

C'est bien de les avoir gardé et de nous les faire partager.... Merci.


Dernière édition par Admin le Mer 9 Oct - 16:22, édité 2 fois

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Message  christiane gérard Mar 13 Aoû - 3:04

Merci Jacques pour ce "reportage".J'imagine très bien la descente et la sensation de plonger en avant !!

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Amitiés Christiane

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Message  Jacques Merlin Mar 13 Aoû - 8:38

Bonjour à Toutes et à Tous,

Ce fut le seul voyage de ma mère - Un souvenir inoubliable.
Il est impératif de se placer dans le contexte de l'époque.
Mon oncle René, en dehors des tapis, consacrait son temps à ses patients : militaires affectés à Khénifra et leur famille, européens, mais aussi population locale qui venait en consultation au dispensaire.


Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929 Volubi10
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Dimanche 10 novembre 1929 -




La journée est très vilaine, beaucoup de brouillard – on annonce l’arrivée à destination vers midi, une heure.
Je reprends ma lettre, nous sommes arrivés à Casa vers 1 heure - Un spectacle inimaginable que cette ville toute blanche...


René m'attendait sur le quai et de loin je l'ai reconnu bien que j'ai hésité un moment, il a engraissé et se plaint seulement d'une bronchite qu'il a attrapée il y a quelques jours - ce n'est pas grave.

La musique militaire nous a accueillis au débarquement ; cette entrée à Casa m'a vraiment enchantée.

Nous avons pris une auto et sommes allés à l'hôtel Atlantic qui est très beau (genre hôtel de Menton) pour y déposer ma valise - Nous somme allés ensuite dans un très beau café - Je suis émerveillée encore par tout ce que j'ai vu - Les magasins sont immenses et plus beaux que ceux de Bordeaux - Les maisons toutes blanches et très hautes.

Je suis allée visiter la ville indigène - beaucoup de Juifs reconnaissables à leurs petits calots noirs, les femmes voilées - C'est vraiment très amusant - Je vous raconterai ce que j'ai vu dans ma prochaine lettre.

Nous partons dans 1 heure par le train pour Rabat - Meknès et arriverons à Khénifra vers 1 h.
Nous allons dîner au Cercle militaire qui est vraiment très joli.
René m’a fait promener en calèches et autos dans Casa, c’est une grande ville analogue à Vichy : des autos de marques, des palaces.


Excusez le décousu de ces quatre pages, je vois tellement de belles choses que ce soir mon esprit est un peu brouillé.

Es-tu rétablie ma chère Maman ? – nous le souhaitons de tout cœur.

En attendant le plaisir de vous lire, recevez mille bons baisers de nous deux.

Od.

 

Laissez-moi vous raconter notre journée à Casa ...

Nous avons tout d'abord visité la ville indigène : rues tortueuses étroites où grouille une populace hétéroclite : des Juifs âgés et des femmes habillées de couleurs très vives se rapprochant un peu de l'Espagne -
Les boutiques des Arabes sont à peu près toutes les mêmes : on y voit des tapis de toutes sortes, des objets en cuir, des tables en bois (incrustations de nacre) - J'ai acheté un porte-plateau en bois noir avec incrustations de nacre pour 90 francs, en marchandant de  moitié -
On y met dessus de grands plateaux en cuivre et des aiguières - C'est vraiment très joli -
Après cela, nous sommes allés au plus grand café de Casa attendre un Monsieur qui devait nous transporter en voiture le lendemain; ne l'ayant pas vu, nous avons décidé de partir pour Meknès vers 20h 20.
Nous sommes allés dîner au Cercle Militaire qui est très beau et possède une salle à manger incomparable ; je n'ai jamais vu une salle si spacieuse et si belle -
Nous avons pas mal dîné, surtout pour le prix : 11 Fr.
Casa ce soir-là était féérique ; le rempart séparant la ville française de la ville indigène était constellé d'ampoules de différentes couleurs (11 novembre) -
C'est effrayant la quantité d'argent que René a dépensé en quelques heures à Casa !





----------------
 Cordialement.


Dernière édition par jacques merlin le Mer 21 Aoû - 9:07, édité 1 fois
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Message  Grostefan Alain Mar 13 Aoû - 8:58

JACQUES
Bravo pour avoir posté ces deux lettres personnelles. Ce qui m'a frappé c'est la justesse des mots et expressions, le style aussi, qui dénotent une grande culture. Et le courage de la narratrice également.
 Pour Bordeaux, cette ville a bien changé et ta maman ne la reconnaîtrait plus. La patte de Chaban Delmas et celle de d'Alain Juppé l'ont totalement modifiée et les touristes de tous bords y affluent.
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Message  Jacques Merlin Mar 13 Aoû - 10:51

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A 20h 20 nous nous sommes embarqués pour Meknès en 1ère classe - Les wagons sont luxueux aussi beaux qu'en France.
Nous sommes passés à Rabat, Kénitra et vers 4h du matin, nous étions à Meknès. Quel froid... ! Heureusement que j'avais fait changement de manteaux et que je m'étais bien couverte.
Avec un taxi nous sommes allés dans un bar pour prendre un café en attendant l'heure de départ de l'autocar pour Khénifra - Inutile de vous dire que j'étais légèrement vaseuse, depuis mercredi dernier que je roule...

---------------

Lundi 11 novembre 1929

A 7 heures, nous nous sommes embarqués sur l'autocar. Il était tellement bourré que nous n'avons pas eu froid - Nous avons occupé, René, un capitaine de Khénifra et moi, les places à côté du chauffeur ; le reste était rempli de femmes voilées et d'Arabes -
Je ne vous parlerai pas des routes que nous avons suivies, que de trous ! Elles ont un avantage sur les routes françaises : les indications sont parfaites, au carrefour des routes se trouve un petit monument blanc avec le nom de la prochaine ville et sa distance écrits en grosses lettres noires.
Nous avons traversé d'immenses steppes incultes pour la plupart - Les routes sont sillonnées par des Arabes à califourchon sur des petits ânes ; leurs jambes trainent presque à terre, ils ont d'immenses burnous blancs et une torsade blanche autour de la tête.
Nous sommes passés à Ito. C'est un plateau glacial ; l'hiver la neige le recouvre - Quel trou dans toute l'acceptation du mot !
René m'a montré le Poste, et l'endroit où il allait chasser.
Vers 11h nous nous sommes arrêtés à Azrou pour déjeuner avec le capitaine de Khénifra ; on nous a servi un morceau de porc, saucisson et saucisse excellents. Le tout : 20 Fr pour trois - en plus, vin blanc, vin rouge et café.
Le chauffeur qui conduisait l'autocar s'est arrêté pour nous à la demande de René qui lui a promis de lui "casser la gueule" si à midi nous n'étions pas à Khénifra... Pour ces gens, là l'officier et surtout le toubib est un dieu...; je n'avais jamais vu encore jusqu'ici autant de déférence vis à vis des supérieurs. Vis à vis des femmes, ils sont également gentils, mais je trouve qu'ils nous regardent un peu comme des bêtes curieuses.
Donc, après le Poste d'Ito, nous avons longé des routes plus ou moins défoncées et cela avec des 70 à 80 Km à l'heure - Je crois que la tringle de la C4 se serait plus d'une fois cassée.
Le paysage ressemble à celui des Pyrénées ; c'est une succession de petites montagnes séparées par d'immenses steppes où paissent un nombre incalculable de moutons, ânes – les Arabes sont au milieu des champs, tout ratatinés dans leurs grands burnous.
A un moment nous avons failli avoir un grave accident ; un boulon intéressant la roue a sauté ; le chauffeur a arrêté à temps !
A 2 Km de Khénifra, René m'a montré l'endroit où la famille Arnault a été assassinée ; c'est en pleine route sur notre trajet - un tas de pierres marque l'endroit - La dissidence ne doit pas être très loin. De kilomètre en kilomètre, il y a des sécurités.

Enfin Khénifra est apparu tout encadré de montagnes ; à quelques distances les premières chaînes du Moyen Atlas.
Khénifra est moins étouffé que Bagnères, la chaîne est très large cependant c'est au pied des montagnes (800 à 900 m. d'altitude).
Khénifra a fait sur moi une bonne impression ; c'est la première ville du Maroc que j'ai vue avec le soleil...
Inutile de vous dire que le soleil enjolive, surtout le blanc. C'est assez étendu et autant que j'ai pu en juger l'infirmerie est jolie.

Nous avons gagné la maison de René qui n'est vraiment pas mal et qui a assez de confort - Extérieurement genre maison française de campagne.
- On rentre dans la salle à manger : table, divan, cheminée, chaise, un placard épatant pour robes et manteaux, un poêle immense qui nous a bien chauffés
- Une chambre, la mienne, qui n'est pas mal : lit blanc en bois, table de travail, table de nuit, table de toilette et une armoire immense - Je ne m'attendais pas à tout ce confort. Tous les murs sont tapissés de tapis.
- Une cuisine avec cuisinière à charbon
- Une cour : poules, beaux lapins, canard et 4 chiens.
Derrière la maison d'immenses prés et un peu plus loin la Casba.
J'avais dit la veille à René que je m'occuperais dorénavant de la cuisine - Il m'a dit que non ; il a deux légionnaires, un qui fait la cuisine (belge) - l'autre qui fait le Valet de chambre - Il donne 350 Fr par mois à l'infirmerie - Le type s'arrange et lui fait la cuisine, l'autre sert à table ; j'y ai veillé car il ne comprend pas très bien et a l'air d'être légèrement dans la lune - il donne des assiettes creuses quand on veut des plates etc. ...
Trois couverts attendaient dans la salle à manger car l'adjoint de René, le Dr Peynet, dîne matin et soir avec nous. Ne le voyant pas venir, nous nous sommes mis à table ; enfin il est arrivé et à première vue parait assez sympathique. C'est un garçon fort intelligent mais qui a l'air d'un gosse - il est très simple et a René en haute estime. Il était fier car hier il était simple soldat et aujourd'hui il avait un galon blanc - Tout le monde aujourd'hui le saluait chapeau bas parait-il...
Après dîner nous avons admiré les tapis de René, il en a trois ou quatre fort jolis.

Vers 15 heures, après avoir défait la moitié de ma malle, je me suis mise au lit et j'ai dormi comme une bienheureuse jusqu'à 18 heures. Je me suis levée et on a dîné sans le Dr Peynet qui était invité ce soir chez le vétérinaire -
Je n'ai pas bu une goutte d'eau depuis mon arrivée au Maroc, à part infusions et cafés. Les crudités j'en fais abstraction - J'ai commencé à prendre de la quinine dès mon arrivée.
Voici le menu :
- matin : œufs et saumon, rôti de bœuf, pommes de terre frites, salade, fromage, crème au chocolat, café
- soir : soupe excellente aux pâtes, reste du rôti haricots-verts, flan
Ce n'est pas trop mal fait.
Je vous écris du lit, il est 22 heures, je vais bientôt éteindre la lampe à pétrole.


 

Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929 Derenn10
Médecin-capitaine René Derennes


Comme je voudrais que vous soyez tous là pour admirer ce que je vois - J'espère ma Chère Lily que je te donne des détails. Merci mille fois du plaisir que vous me procurez, c'est incroyable ce que j'ai vu de nouveau en deux jours.
J’ai causé avec René jusqu'à 22 heures.


----------------
 
Cordialement.
J. Merlin


Dernière édition par jacques merlin le Ven 23 Aoû - 23:02, édité 2 fois
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Message  Admin Mar 13 Aoû - 10:58

JACQUES...
ça , c'est du souvenir, de l'histoire...!!!       I love you  I love you  I love you beaucoup...

Cela fait un très beau reportage d'une époque révolue, qui laisse rêveur... cheers  cheers  cheers


Dernière édition par Admin le Mer 9 Oct - 16:26, édité 3 fois

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Message  Jacques Merlin Mer 14 Aoû - 9:19

Bonjour,

--------------------
(Suite) -

Mardi 12 novembre 1929 -



Après une bonne nuit puisque j'ai dormi jusqu'à 9 heures, je me suis levée. René était déjà parti à l'Infirmerie6ambulance. J'ai rangé ma malle et je me suis occupée de placer les rideaux et nappes.
René est venu vers midi, nous avons déjeuné et sommes allés visiter la Casba qui est très étendue.
Elle se compose uniquement de maisons en terre rouge avec de petits trous servant de fenêtres - Les gosses grouillent dans des rues tortueuses ; ils sont presque nus, la tête rasée avec par côté une petite tresse de cheveux. Il y en a de fort jolis - les femmes ne sont pas voilées et portent des bracelets et colliers.
Le long de la casba passe un oued où les indigènes viennent faire leur toilette, laver leur linge ; cela ne les empêche pas de boire cette eau - Si tu les voyais laver leur linge, ils ont de grands bâtons en bois et tapent dessus ou utilisent leurs pieds.
Nous sommes arrivés à l'infirmerie-ambulance qui est fort bien. Le bureau de René n'est pas mal et les différentes pièces aussi.
Dans la cour de l'hôpital se trouve une ménagerie avec renards (fort jolis), chacals, cigognes, hérons, scorpions, mangoustes, loutres, vipères etc. ... Cela m'a beaucoup intéressée car je n'avais jamais vu ces bêtes.
Soleil de plomb toute la journée. Le soir, vers 16 h. le froid est tombé très vite ; c'est effrayant ces changements de température ; j'y fais attention.
Le cuisinier vient d'apporter environ trois douzaines d'huitres.
René a beaucoup de travail et me charge de bien vous embrasser, son rhume va mieux - A mon tour recevez...




---------------------------
 
Cordialement.


Dernière édition par jacques merlin le Mer 21 Aoû - 9:24, édité 1 fois
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Message  christiane gérard Mer 14 Aoû - 13:13

admirable cette chronique du temps passé

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Amitiés Christiane

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Message  Jacques Merlin Mer 14 Aoû - 19:30

(Suite) -
Mercredi 13 novembre 1929


Encore une journée de soleil mais toute différente de celle d'hier parce que plus orageuse, je me suis levée vers 9 h.

René qui était fiévreux hier soir va mieux ce matin ; c'est un peu de bronchite ; ce n'est pas étonnant, ici tous les Arabes toussent - Malgré la chaleur on est obligé de garder un manteau à cause des variations de température qui sont brusques.
Après m'être habillée, je suis allée laver dans la cour quelques petites affaires ; il fait si chaud que 10 minutes après, tout était sec... J'ai rangé ma chambre, fait mon lit et suis allée m'asseoir dans la cour pour faire du filet. De la cour, on a une vue splendide sur la casba et le Moyen Atlas.

Vers 1 heure moins 1/4 René et le Dr Peynet sont arrivés, nous nous sommes mis à table - pas de viande, il n'y en avait pas dans Khénifra. Menu : sardines à l'huile, omelettes, purée, fromage, oranges (énormes), café... Le tout pas mauvais - Le cuisinier s'occupe de tout ; il va à l'infirmerie et échange des bons contre des aliments. L'autre légionnaire qui faisait office de valet de chambre, nous a quittés ce matin pour Sidi Bel Abbes - Il était fier car hier soir on lui avait donné 900 F comme rappel - Cette nuit, il en a dépensé 500 dans un bistro - Quels drôles de types ces légionnaires ! Le cuisinier est mieux, ce qu'il y a d'agréable c'est qu'il comprend le français tandis que l'autre il lui fallait toutes les herbes de la St Jean pour lui faire comprendre quoi que ce soit.


Après le dîner nous sommes allés (tous les trois) voir le souk, c’était le marché (deux fois par semaine) – c’est vraiment intéressant – Dans une immense plaine, au bas de la montagne, il y a 500 tentes dressées – Au milieu de ces tentes, grouillent des femmes, des hommes et des enfants.

Les marchandises sont hétéroclites (thé, carottes, dattes, fil de lin, allumettes, agneau, glands, citrons, céleris, oranges, pommes de terre, bracelets, pendants d’oreille, babouches, tissus, cordonnier, pâtissiers etc.)
Je n’ai trouvé rien de joli parmi les objets proposés, généralement grossiers.
Que de mendiants, ils passent leur temps à vous apitoyer.
René est salué par tout le monde – il a l’air d’être quelqu’un – Les uns l’accostent pour lui montrer des bobos qu’il a soignés, d’autres viennent lui serrer la main et me la serrent par la même occasion puis portent la main à la bouche ; c’est leur façon de saluer.

Les femmes sont de véritables esclaves, tu les vois porter des fardeaux considérables, des gosses derrière le dos pendant que les hommes se prélassent sur leurs ânes ou chevaux. Les femmes, on le voit, sont très endurantes, elles font parait-il 30 à 40 Kilomètres les jours de marché - C’est bien dommage que je ne connaisse pas leurs dialectes, ce serait très amusant de converser avec elles. J’étais je crois la seule européenne dans le souk on me regardait des pieds à la tête, les femmes surtout. Je dois leur paraitre extraordinaire comme à moi elles me paraissent extraordinaires.


Régulièrement nous prenons notre quinine ; moi une le matin et une le soir ; ces messieurs quatre le soir ; Le docteur Peynet se plaignait d’avoir des vertiges et bourdonnements ; cela n’est pas étonnant.                        

Le soir nous avons causé jusqu’à 21 h 30, ce qui est extraordinaire car René se couche d’habitude vers 20h 30.

Vers 16 heures l’après midi il faut rentrer à cause
- du froid
- et de la dissidence qui est à 60 km.

Le Dr Peynet est interne des hôpitaux de Paris – il est fort intelligent mais parait avoir 19 ans. Il compte faire quatre ans d’internat et préparer ensuite le clinicat des hôpitaux. Il nous a bien fait rire en nous racontant les manies des différents professeurs de Paris entre autres, de Vidal.

Comme il était tard il a demandé à René le mot de passe pour entrer dans le Camp – la consigne est très sévère – aussi si tu ne veux pas être embroché, le mot de passe est nécessaire – ce soir là c’était « Mangin-Marseille ».

A suivre...
----------------------
Cordialement.


Dernière édition par jacques merlin le Mer 28 Aoû - 10:03, édité 3 fois
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Message  Jacques Merlin Ven 16 Aoû - 19:11

Feuillet original du texte reproduit ci-dessus :

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Message  christiane gérard Sam 17 Aoû - 8:28

MERCI JACQUES

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Message  Jacques Merlin Mer 21 Aoû - 10:24

(Suite)
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Jeudi 14 novembre 1929 –

 

Toujours du soleil et un ciel excessivement lumineux, malgré cela je ne sors pas sans manteau, car un petit vent frais souffle sans discontinuer.

Après déjeuner, nous sommes allés à la chasse. René a amené pour la première fois ses deux braques âgés environ de trois mois (Couscous et Stop) – Les pauvres bêtes n’étaient jamais sorties de leur niche aussi, au milieu des ronces et des épines, elles avaient peur et venaient se réfugier dans nos jambes –

Nous avons franchi une série de petits monts dénudés recouverts uniquement de ronces et de plantes aromatiques. D’énormes pierres coupent la monotonie de ces montagnes. On se rend bien compte de la facilité avec laquelle les dissidents peuvent se cacher.
Une solitude impressionnante coupée de temps en temps par des cris d’animaux. De ci de là, des Arabes reviennent de leurs huttes tout à fait primitives (je suis persuadée que les hommes préhistoriques n’en seraient pas jaloux). Au bas des monts d’autres Arabes loqueteux conduisent une charrue tirée par des ânes faméliques – Je me demande ce qu’ils veulent tirer de cette terre argileuse couleur de sang.


Durant la chasse, René a tiré un oiseau énorme que je lui avais montré – il l’a raté – Autrement aucun gibier.

Tous les soirs à la tombée de la nuit, je fais allumer par l’ordonnance, un bon feu dans le poêle de la salle à manger – il chauffe tellement bien que cinq minutes après il est impossible de s’y tenir à proximité – aussi pour atténuer la température, j’ouvre ma chambre.

Ce soir nous avons mangé du mouton – pas mauvais –
A Khénifra il n’y a ni porc ni veau, il faut se rabattre sur le bœuf, mouton, gibier, volailles.


Aujourd’hui M. (l’ordonnance) nous cuisine un lapin – Je lui ai dit d’en faire une moitié en civet, l’autre moitié, sautée aux oignons –

Je lui ai proposé de lui prêter le livre de cuisine, il en a été content.

-------------------

Cordialement.


 
Jacques Merlin
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Message  Jacques Merlin Mer 21 Aoû - 10:55

Bonjour à Toutes et à Tous,

A la demande de plusieurs lecteurs, j'ai rétabli dans l'ordre chronologique la publication du journal de ma mère.
Une fois replacé dans son contexte nous sommes en présence du récit de la vie de tous les jours dans un poste éloigné, avec ses scènes de chasse, ses visites de souks, sans oublier les invitations à prendre le thé de ces Dames... Le temps s'écoule lentement, avec la bénédiction du Père de Kébab...

Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929 Derenn12
L'auteur de ces lignes, quelques années plus tard.

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(Suite)


Vendredi 15 novembre 1929

 

Du soleil et toujours du soleil – Un véritable printemps de France. Ce matin je suis allée acheter des cartes postes. Pas de vue de Khénifra, j’ai pris alors des scènes marocaines.
A midi René est rentré et m’a dit que nous étions invités dimanche chez un Caïd (40 ans) à l’occasion de ses noces avec une jeune fille de 14 ans. Bien entendu, il a d’autres épouses… Je vous raconterai la journée qui sera amusante je l’espère.
Le Dr Peynet est arrivé lui, avec une bouteille de champagne et une boite de biscuits.
La bouteille vidée, après dîner, nous sommes allés au souk visiter quelques boutiques. En chemin nous rencontrons un Arabe, patient de René, fourreur de profession – il dit « Venez tous boire mon thé à la menthe » – « Vous aussi Madame », me dit-il. Je me tourne vers René pour, avec un grand sourire, lui confier à voix basse « ...il ferait mieux de me proposer une peau de renard… » - Vous allez voir que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd…

Nous continuons à visiter des boutiques - je marchande un burnous (en fil de lin : 150 Frs) - Ils n’en ont pas en laine. Je verrai dans une grande ville.
Des feuilles vertes que nous prenions pour du thé – devinez ce que c’est ? Du henné ! Le Khôl pour les yeux se vend par petites masses pierreuses, grisâtres.
Pendant que nous étions en train de marchander, arrivent le fourreur et l’un de ses serviteurs – A René, il offre un plateau avec trépied et à moi, une magnifique peau de renard (couleur un peu plus claire que celle du chacal). Sa queue est splendide – vous pensez si je suis contente…
A 17 heures, j’étais seule à la maison, l’ordonnance étant allé faire des courses, on frappe à la porte. Je découvre notre fourreur qui se jette à terre et me baise les pieds ! – je n’en menais pas large. Je lui ai fait comprendre que le toubib n’était pas là… En partant il a recommencé la même génuflexion – Il est revenu deux ou trois fois dans la soirée. Il a frappé mais j’ai tenu la porte close. Avec ce genre de personnage il faut se méfier...
Je t’assure que dans le pays je suis connue. Partout j’entends « ...c’est la sœur du Médecin-chef... ».
J’apprends quelques mots d’arabe : bézef – flous – baraka – slamalick (bonjour) – fatma (femme).

(A suivre)
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Cordialement.
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Message  Admin Mer 21 Aoû - 11:15

Magnifique sujet - Très belle Maman - Beaucoup de simplicité - Beaucoup de délicatesse - Beaucoup de vérité - JACQUES nous a comblé...
Merci infiniment...
J'ai peut être une réponse au sujet d'un Père nommé Kebab...J'attends un peu la fin de ce récit...???


Dernière édition par Admin le Mer 9 Oct - 16:26, édité 3 fois

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Message  Ghislaine Jousse-Veale Mer 21 Aoû - 23:22

Bonjour Jacques - Absolument superbes ces lettres de ta maman. Quel plaisir de les lire. Je les ai imprimees, trouvant plus facile et agreable de les lire assise dans mon coin de lecture a la maison que penchee vers l'ordi. Pour le moment j'ai lu toutes les lettres postees jusqu'a ce jour a 10 heures 55 et bien sur comme tout le monde j'attends la suite et merci. Very Happy 
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Message  Jacques Merlin Jeu 22 Aoû - 9:02

(Suite)
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Samedi 16 novembre 1929
 

Ce matin René est venu me chercher en auto pour aller au souk – aujourd’hui c’était le marché – Lui s’est arrêté à l’infirmerie indigène où il consulte deux fois par semaine, les jours de marché -
Il m’a présentée à la dame qui tient le foyer du soldat – elle est très gentille mais quelle parlotte…
- Nous avons fait ensemble un tour du souk, puis sommes revenues à l’infirmerie où je l’ai observée posant des pansements.
C’est effrayant toutes ces maladies dermiques. Il est vrai que tous ces gens là vivent hélas dans une grande saleté –
Est arrivé un jeune lieutenant des affaires indigènes, rudement distingué et bien élevé ; il était mis ultra chiquement et revenait d’une promenade à cheval. Les officiers de spahis sont aussi très chics. Presque tous ont « le nom qui se dévisse » telle est l’expression de René.
La dame du foyer du soldat est invitée elle aussi à la diffa du Caïd, de même que l’épouse du Commandant J. Chef du Poste de Khénifra. Elle sera accompagnée d’épouses de lieutenants.
Je mettrai probablement ma robe de crêpe de chine beige avec jupon de laine.
René ne tousse plus et je veille à ce qu’il prenne sa quinine
– Le Maroc est terrible par ses variations de températures aussi, dès 16 heures jusqu’à 10 heures le lendemain, je ne sors pas.

Le Dr Peynet nous a quittés ce soir pour aller pendant trois jours dans le bled, à Kebab, pour y vacciner des gens –
Il y a un Père, à Kebab, c’est lui qui dira la messe de Noël à Khénifra.


--------------------------

Cordialement.
Jacques Merlin
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Message  christiane gérard Jeu 22 Aoû - 13:12

merci Jacques

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Message  Jacques Merlin Ven 23 Aoû - 8:21

Bonjour à Toutes et à Tous,

J'ai trouvé un lecteur particulièrement assidu de ces écrits : un vieux camarde des années '60 ; nous étions alors affectés en Forêt Noire, en Allemagne. Plus tard nous avons fait partie de la même promotion d'officiers, la "Meknès".
Né à Khénifra en 1943, il m'a précisé, petit détail, que son père, Commandant servant dans la Légion Etrangère, était, juste avant guerre, Commandant du Poste de Khénifra, donc un proche successeur du Cdt J., dont il est souvent ici question...

------------------


Dimanche 17 novembre 1929

J’ai fait hier soir les croquettes de pommes de terre (Angèle) – elles étaient très bonnes, seulement froides (ces Messieurs sont arrivés avec une heure de retard) – or pas de four, seulement cuisinière au charbon de bois -

...................

Feuillet hélas manquant
..................

Ces messieurs se sont bien tenus et certaines dames aussi, entre autres Madame J. l'épouse du commandant du Camp – il est vrai qu’elles n’en sont pas à leur première diffa –

Ce que je reproche à cette cuisine, c’est de mettre partout du beurre rance – en définitif la diffa est un déjeuner gras…
René, en sortant de table, m’a dit avec grande élégance qu’il « avait engouffré »… - A table on entendait « le Docteur par ci, le Docteur par là » - On voit là son importance…

Le Caïd, pendant ce temps-là, mangeait dans un coin par terre, allongé sur des tapis ; il donnait de temps en temps des ordres aux serviteurs – Un officier-interprète est allé lui dire que nous serions contentes (les dames) d’aller voir ses fatmas (femmes). Nous nous sommes levées, avons traversé la cour et sommes arrivées dans une pièce où se tenaient toutes les fatmas – Sa jeune épouse était très belle (elle a 14 ans), grande et très mince avec une robe blanche brodée de petits bouquets rose et blancs – des bracelets en quantité ainsi que des colliers. Timide elle baissait tout le temps ses beaux yeux superbement mis en valeur par le khôl –
Les autres femmes sont plus âgées mais ont dû être fort jolies. Il y a une différence très grande entre ces riches Arabes et celles que l’on rencontre sur le chemin. Bien arrangées elles n’étaient pas mal et nous ont invitées à prendre le thé à la menthe, mais il faisait trop froid dans leur pièce aussi sommes-nous revenues à la salle à manger pour nous prêter au cérémonial du lavement des mains, cette fois-ci nécessaire car nous avions les doigts poisseux et gras Les serviteurs ont enlevé les toiles cirées avec les débris et ont déposé devant chacun un demi-verre de thé à la menthe, bon mais très sucré –
La coutume veut qu’on remplisse trois fois le verre – Pour cela, quand les verres sont vides on les ramasse, on les remplit à nouveau et on les distribue au hasard ; on boit donc dans le verre du prochain et cela à trois reprises : cela n’a aucune importance.



Vers 15 heures nous nous sommes retirés en remerciant le Caïd – Ces dames m’avaient dit qu’il fallait dire, en arabe bien entendu, « Barraka lou ship » je crois.

La prochaine fois je saurai ce qu’il faut mettre comme robe, tout ce qu’il y a de plus moche, car maniant la viande et la graisse on risque 36 fois de se salir. Heureusement, je disposais de deux serviettes…

Madame J. a les mêmes souliers blancs que moi – seulement au lieu d’être en toile ils sont en peau. Tous les jours je mets mes sandales de cordes.


 

---------------------------
Cordialement.
J.M.
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Message  HUGUETTE ROMERO Ven 23 Aoû - 22:15


MERCI  JACQUES  POUR  LES  BELLES  LETTRES  DE  TA  MAMAN.
 
HUGUETTE

 
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Message  Jacques Merlin Sam 24 Aoû - 8:59

Bonjour à Toutes et à Tous,
(Suite)

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Lundi 18 novembre 1929

Il y a déjà huit jours que je suis à Khénifra et le soleil n’a pas cessé de briller ! Dire que le mois de décembre est proche, c’est incroyable. Bien souvent je pense à vous et au vilain temps que vous devez assez probablement avoir à Bordeaux.
Un chasseur avait donné à René deux perdreaux, hier soir j’en ai mangé un en entier, conclusion : je n’étais pas bien cette nuit, un peu agitée, ce n’est pas étonnant.

A 13 h. nous sommes partis chasser sous un soleil très chaud – heureusement il y a toujours de l’air ! René est monté seul au sommet d’un mont – je l’ai attendu en bas. Nous serions rentrés bredouilles si en cours de route nous n’avions pas croisé le coiffeur de Khénifra qui rentrait avec trois lièvres, et un perdreau qu’il nous a offert. Avec un chou, il fera ce soir le régal du Dr Peynet et de René, pendant que, plus sage, je me contenterai d’un œuf à la coque.

Vers 16 h. je suis allée voir la dame du Foyer du soldat, qui habite dans le Camp et qui est gentiment installée.
Elle m’a dit « Que voulez-vous, si je tombe malade, je veux que mon logement ne me fasse pas honte »...
Elle s’occupe de servir les soldats pour cigarettes, thé, chocolat, etc.
Habillée en infirmière, avec une grande mante blanche, elle m’a offert le thé dans sa chambre qui est fort confortable – les tasses étaient disposées sur un grand plateau avec pieds, mais courts – René a le même – pour le thé, c’est pratique –
Elle tient aussi la bibliothèque et m’a prêté deux livres –


Ensuite nous sommes allés voir avec René, le Vétérinaire militaire – Il a 35 ans et est fort gentil – René veut l’inviter à dîner pour lui rendre une politesse – il va falloir donc, que je me débrouille pour lui organiser un dîner un peu convenable. Voici ce que j’envisage :
- hors-d’œuvre : saucisson, pommes de terre en salade, beurre et sardines
- œufs sauce béchamel
- canard aux olives
- croquettes de semoule
- gâteau confiture et biscuits – fruits.
On ne peut pas faire ici beaucoup de cuisine, on a seulement deux trous marchant au charbon – et pas de four – Vive le gaz !



Le Véto nous a fait visiter sa ménagerie – Il vient de la compléter avec un porc-épic très original – c’est la première fois que je voyais cet animal qui s’est mis à darder ses piquants d’une façon formidable quand le vétérinaire est entré dans sa cage …
Le Véto m’a attrapé un scorpion que j’ai pu observer de près. Comme autres bêtes intéressantes, il m’a montré une loutre de mer, des vampires, hiboux, un corbeau d’un noir magnifique, vipères, couleuvres, lézards, mangoustes, sangliers, et deux singes fort amusants. Cette ménagerie est vraiment curieuse – c’est en plein air, et ces bêtes ne sentent pas mauvais comme à la foire.
 
---------------------------


Mardi 19 novembre 1929
 
René, aujourd’hui m’a fait faire le tour de Khénifra.
Nous irons probablement demain rendre visite à l’épouse du Commandant J. - Le jour de la diffa elle a été fort gentille mais par différentes choses m’a fait sentir que j’aurais du venir la voir et j’ai compris qu’elle ne m’inviterait que lorsque je lui aurai fait visite. Il faudra donc, que je décide René à m’accompagner...

 
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A suivre...

Très cordialement.
Jacques Merlin
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Message  Jacques Merlin Dim 25 Aoû - 5:43

Bonjour à Toutes et à Tous,
(Suite)
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Mercredi 20 novembre 1929

Le Dr Peynet est rentré hier soir de Kébab, Poste qui se trouve à 20 km de la dissidence.
Il a vu le Père de Kébab, habillé en Arabe. Il habite, nous a-t-il dit, une hutte isolée gardée par deux molosses.
Le Père dit la messe dans sa chambre et par suite ne se déshabille jamais puisque l’autel est dans sa chambre.


Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929 Pere_d10
Père Peyriguère
(El Kébab)


Le côté de l’habitation qui regarde la dissidence est blindé… C’est parait-il dans un coin perdu. *

Comme ce soir, je ne voulais pas manger de perdreau, René m’a proposé une énorme tranche de jambon d’York qui était délicieuse.

Aujourd’hui je suis allée au souk ; j’ai acheté des oranges pour demain car le vétérinaire vient déjeuner – De plus j’ai acheté pour 1 Fr d’écorces de noyer – tu ne peux pas t’imaginer comme cela blanchit bien les dents, ma chère Lily – je compte t’en rapporter – les Arabes en frottent leurs dents…

René, quand je veux le trouver, je n’ai qu’à aller chez le marchand de tapis et je suis sûre de l’y trouver, un verre de thé en main, discutant sur les qualités de tel ou tel tapis…

Nous venons d’assister à une décongestion de la tête, réalisée par des soi-disant toubibs qui en fin de compte ne sont que des coiffeurs ; inutile de vous parler de leur asepsie – Le patient est en plein soleil, le crâne nu complètement, le coiffeur lui applique des petits cornets à la nuque, fait le vide au moyen de petits tuyaux qu’il tient à la bouche – une minute après, sans exagérer, il retire, bien entendu après scarification, un demi verre de sang. Il a recommencé six ou sept fois – Le Dr Peynet se l’aurait fait faire par curiosité, si les outils avaient été un peu plus aseptiques, c’est du moins ce qu’il a dit...

J’ai quitté René et le Dr Peynet vers 16 h. pour rentrer faire du filet et cuisiner un gâteau aux biscuits.


--------------
* Voir ces liens :
http://fr.slideshare.net/kasbahmyriem/pre-peyrigure
http://www.francisboulbes.com/index.php?Mod=SITE&page=30
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8re_Peyrigu%C3%A8re

Cordialement.
Jacques Merlin
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