Les artistes du R.D.L.B. et autres artistes

BOBONJOUR TOUT LE MONDE

Ce ne sera pas du Francis Ramirez associé à Christian Rolo. Ils sont deux,qui plus est, bardés de diplômes. Alors que je suis seul, avec pour compagnie, un Larousse à portée de main.

L’histoire qui suit évoque les durs moments du ramadan, un vécu des années 50. Elle est bien entendu extraite de mes mémoires.


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Rien n’aurait été de nature à singulariser cette vendange d’une précédente si ce n’est que cette année là, elle coïncidait tout à la fois avec la dure période du ramadan et l’un des étés les plus caniculaires que l’on ait pu connaître. L’épreuve s’annonçait d’une rudesse extrême pour ceux des ouvriers les plus fervents. Anéantis dès les premiers jours, se refusant toutefois de déroger en quoi que ce soit aux abstinences édictées par le Coran, tout le chantier s’efforçait de tenir bon. Les feux d’un soleil de plomb, la cadence du travail, les émanations de soufre et de sulfate dont le vignoble restait encore fortement imprégné, les poussières soulevées par les piétinements et par les incessants va-et-vient des videurs de corbeilles, l’absence d’un moindre souffle venant du large, tout cela, c’était évident, allait avoir raison de bien des volontés. Toujours courbé, la tête la plupart du temps plongée au cœur même du dru feuillage des ceps, le cueilleur continuait néanmoins envers et contre tout de remplir son seau, le « porteur » de coltiner l’une après l’autre les corbeilles pleines jusqu’à la benne du camion. C’était là tout un monde au bord de la défaillance, placé sous l'attention vigilante de deux hommes. Choisis pour ce qu’il affichaient de charisme, d’autorité mais surtout de respectabilité, ces derniers allaient et venaient, d’un rang à l’autre, lançant leurs sempiternels: « Yalla !Yalla ! »(« Allez !Allez! »). Un encouragement qui ne s’adressait généralement qu’aux quelques retardataires sans pour autant qu’il n’en résulte une moindre accélération du rythme de travail. Tout aussi désabusés et tout aussi amollis par la chaleur que ceux qu’ils étaient sensés stimuler, c’est sans conviction qu’ils martelaient ici et là les mêmes mots, persuadés qu’ils étaient d’assumer avec zèle la responsabilité qu’ils s’étaient vue assigner.

Quelques nuances d’interprétation des Saintes Ecritures pouvant offrir matière à blanchir un tant soi peu quelques manquements, les moins fervents d’entre tous tentaient assez timidement de s’y reporter. Chaque religion n’adapte-t-elle pas ses pratiques en fonction de l’évolution des mœurs si ce n’est des goûts de ses fidèles quand ce n’est aussi de certains impératifs de l’époque?

Quoi que discrets, les premiers soupçons de ruptures du jeûne ne manquèrent bien évidemment pas d’exacerber de véhémentes critiques si ce n’est le courroux de ceux qui n’entendaient en rien adhérer à de tels argumentations, les jugeant pour le moins blasphématoires.

Quoi qu’il en soit, exception faite de quelques inébranlables déterminations résolues de n’enfreindre en rien les lois du Livre Sacré, une bonne fraction trouva cette année cent raisons de se résigner à s’affranchir d’une telle épreuve.

Un fut d’eau potable suivait en permanence le chantier. Les plus discrets d’entre eux s’en approchèrent dans le seul but de n’effectuer que quelques légères ablutions rafraîchissantes, poussant leur hardiesse jusqu’à se rincer la bouche et les lèvres asséchées déjà marquées de profondes gerçures, cependant que, plus audacieusement d’autres s’autorisaient de longs gargarismes, recrachant jusqu’à la dernière goûte. Mais il y en avait d’autres, bien moins scrupuleux ceux-là. Forts de leurs propres interprétations des écrits, s’affirmant même en droit si ce n’est en devoir de s’exonérer purement et simplement des abstinences prescrites, ceux-là faisaient ni plus ni moins étalage d’une impudence qui frisait le cynisme. S’abreuvant ouvertement jusqu’à satiété, ils défiaient au surplus les regards foudroyants des plus fervents défenseurs de la foi.

« Allah saura juger! Leur rétorquaient ces sortes de profanateurs de règles sacrées, affichant une totale désinvolture à l’égard de l’entourage. Allah saura tenir compte du fait qu’il n’est nul mérite à respecter les préceptes religieux quand on a toutes possibilité de se prélasser la journée entière sur des sofas, à l’ombre et à la fraîcheur des épais murs d’un palais! Est-ce notre cas? Bien sûr que non! Alors pourquoi nous, simples ouvriers, devrions-nous accepter de mourir dans la souffrance ? Démunis de tout, nous appartiendrait-il en outre d’endurer ce dont les nantis se voient exemptés. Les croyez-vous plus méritants qu’un pauvre ?» clamaient-ils, regagnant leurs postes tout en s’essuyant la bouche d’un pan de chemise.



Le père Labdi dont la piété avait de tous temps forcé l’admiration et le respect de l’ensemble des familles du douar, n’aurait su en aucune manière souiller cette pureté d’âme que tout le monde lui enviait. Si profondément ancrée en lui, cette foi ne lui faisait plus rien craindre de la mort ni non plus douter de ce qui l’attendait dans l’au-delà.

Hélas, le poids des années commençant à se faire lourdement ressentir, le jeûne ne pouvait q’ajouter à ses fatigues. Sa santé ne cessa donc de se détériorer. De plus en plus affaiblis, ses muscles ne répondaient plus que très difficilement aux efforts. Lui même en faisait l’aveu :

« Je me sens complètement usé. Toutes mes forces m’abandonnent ! murmurait-il dans ses moments de découragement.

Se refusant toutefois de susciter trop de compassions d’où qu’elles émanent, il s’empressait d’atténuer la porté de ses plaintes disant :

« Tout, absolument tout n’étant que dans les mains d’Allah, je n’ai par conséquent aucune raison de m’inquiéter sur mon devenir, moins encore de m’appesantir sur mon propre destin». Des paroles qui sonnaient tout de même en sorte de complète résignation. Ainsi, à ceux qui, préoccupés par l’indéniable dégradation de son état ne cessaient de lui conseiller la prudence:

« Mektoub! » (C’est écrit) Se contentait-il de répondre d’une voix de plus en plus lasse.

Il devenait néanmoins chaque jour plus évident que la santé du brave homme allait se dégradant. Déshydraté, vidé des dernières énergies qui le faisaient se traîner maintenant d’un pied de vigne au suivant, perdant toutes notions des limites de fatigues à ne point franchir, le pauvre finit par s’effondrer une après midi tout près du panier qu’il s’était efforcé de remplir jusqu’à ras bord. On ne devait le trouver que quelques instants plus tard, sombré dans un état semi comateux.

Parmi tous les adeptes d’une stricte application des textes sacrés, c’est sur Labdi, que le sort venait de pointer son doigt faisant de lui une sorte de héro martyre. Victime d’une piété musulmane qu’il voulait sans faille, lui, Labdi se voyait enfin offrir l’immense bonheur de servir d’exemple à la postérité. Un modèle d’abnégation et de courage en quelque sorte, une dévotion qui, à n’en rien douter allait lui ouvrir les portes de l’éternité.

Dans l’affolement, on s’empressa de le porter jusqu’au haquet d’eau.

«Il faut l’asperger, disaient les uns.

-Cela ne suffira pas ; nous devons essayer de lui faire absorber un peu d’eau suggéraient d’autres ».

Revenu de son étourdissement mais résolument sourd aux supplications qui lui étaient adressées Labdi s’interdit catégoriquement d’absorber ne fusse qu’une petite gorgée d’eau. Tout au contraire il implorerait :

« Je vous en supplie, ne faites rien qui puisse contrarier le tracé de mon destin.

Devant cette farouche obstination d’aucuns crurent de leurs devoir de forcer les choses :

« C’est sur nous que le péché retombera, le rassuraient-ils en chœur tout en s’efforçant de faire pénétrer un simple filet d’eau entre des mâchoires obstinément serrées. Ayant recraché les quelques gouttes qui avaient à peine humecté ses lèvres, se raidissant, le pauvre moribond fit même entendre sa révolte :

« Honte à vous qui vous appropriez le droit de souiller mon âme. Allah m’est témoin de ce que cette grave offense n’est aucunement de mon fait mais du vôtre ! » Disant cela, il affirmait toute l’espérance qui était sienne de pouvoir rendre l’âme en pareille période de pleine abstinence rédemptrice. Des paroles qu’il prononça d’une voix si faible mais si pleine de conviction, que, jugeant mal venu d’aller à contrario de la volonté du pieux personnage, plus personne n’osa insister. Comprenant que pour rien au monde Labdi n’accepterait de céder sa place à quiconque, tant lui paraissait d’ores et déjà acquise la grâce d’Allah, on se contenta donc de lui rafraîchir le visage,les mains et les pieds et de le transporter jusque chez lui.



Sentant venir sa fin, mais néanmoins déterminé à s’acquitter jusqu’au bout de ses devoirs religieux, le brave Labdi était demeuré là, une nuit de veille durant, assis sur sa natte de prière étalée juste à l’entrée de la hutte familiale. De même que, le petit matin pointant ses premières clartés, il se ressentit d’un irrésistible besoin d’assister pour une ultime fois à la naissance du jour. Voir les premiers rayons de ce soleil, source de vie mais coupable de la mort qu’il sentait proche, voilà qui lui procura ce qu’il fallait encore de forces pour se rappeler à la grâce Divine. Souvent, très souvent même, aux tous petits matins, il avait vécu de pareils moments fantastiques. Des instants qu’il percevait alors comme autant de pures grâces faites à notre monde. Cette fois pourtant, ce lever de soleil allait en toute probabilité sonner l’heure de son départ à lui vers ces horizons insondables d’où jaillissaient tant d’impalpables et divines lumières.

« Grâce te soit rendue ! Grâce soit rendue aussi à notre Prophète Sidi Mohamed ! Grâce à vous deux qui vous apprêtez à m’accueillir dans les immensités dont nul sur cette terre ne saura jamais situer les frontières! » Se murmurait-il à lui-même émerveillé devant ce nouveau et lent réveil de notre monde tel l’accomplissement d’un nouveau miracle. Alors que l’esprit tranquille, assuré en son âme et conscience d’être parvenu à ne marquer son passage sur terre que de respectabilités, de noblesse d’esprit, de générosités, mais surtout de ferveurs religieuses, toutes espérances en l’haut delà lui étaient permises.

Un infini regret le torturait pourtant: L’obligation qui lui était faite d’abandonner sa fille Menana qu’il savait désormais livrée à la tutelle tyrannique de son fils Jilali. Autrement dit, à un sort qui s’annonçait monstrueux, d’une brutalité à peine soupçonnable. Mieux que quiconque, il savait ce que Jilali était capable. Il savait qu’il ne manquerait pas d’exercer de manière féroce sa domination sur les siens. En particulier sur sa pauvre sœur laissée sans soutien ni défense. Avec sa disparition, plus aucun obstacle ne se dresserait devant les visées de ce fils. Mais que faire, si ce n’est de s’en remettre dans une ultime supplique à la volonté du tout Puissant, de solliciter de sa bienveillance qu’il prenne en main le destin de sa fille.

Et c’est les yeux dirigés avec la même extrême extase vers ce vide sans fond qui commençait à s’embraser que, soudainement terrassé, Labdi sentit son âme s’élever vers un autre monde.

Voilà. C’est la période du ramadan. Il fallait bien qu’elle soit marquée par une petite histoire vécue. Elle est extraite de celle des « Deux Copines » dont vous avez déjà eu un aperçu.

Bonjour

Je viens de faire une découverte, une fresque de Monsieur Edmond Valès jamais montrée jusqu'à présent. Edmond Valès professeur de dessin au Lycée Paul Valéry que certains ont connus (dont moi-même.)
Si quelqu'un pouvait nous dire dans quelle salle est encore exposée cette fresque représentant une scène de la vie courante au Maroc peut-être même à Meknès ? Je ne m'en souviens plus !...



Renseignements de dernières minutes pris à la source, cette fresque figure toujours au réfectoire du Lycée..

Tout en en bordure de falaise, non loin de nos très rudimentaires installations qui ne se composaient à vrai dire que d’un hangar et d’une petite cabane, subsistait des temps les plus reculés, un petit amoncellement de pierres.

L’une des légendes voyait en cette sorte de tumulus la sépulture antique d’un pèlerin exténué et enseveli sur le lieu même où il avait rendu l’âme. Une autre rumeur, tout aussi répandue, ne reconnaissait là que le simple vestige d’un cimetière abandonné, tombé au fil des générations dans le plus complet oubli. L’islam installé et la dépouille d’un dignitaire religieux inhumée en un autre secteur plus éloigné, tous les enterrements de la tribut convergeaient depuis vers ce cimetière. Une version qui me paraissait peu vraisemblable. Défrichée en profondeur par nos solides charrues, les terres environnantes n’avaient jamais mis au jour un moindre fragment d’ossement humain.

Du fait même de mon incorrigible penchant lyrique, dès mes premiers contacts avec ce milieu, j’avais choisi de privilégier l’hypothèse de l’agonie d’un valeureux guerrier romain égaré, épuisé, effondré et enterré en hâte en cet endroit. Je le revoyais même totalement perdu, livré aux pires tourments dans une campagne inhospitalière, s’abandonnant à bout de force à son sort.

Quoi qu’il en soit, ce petit amoncellement de pierres se trouvait journellement entouré d’une même fervente vénération. En particulier par des femmes de la tribu avoisinante. S’y prosternant de longs moments, aucune ne négligeaient de recaler l’une ou l’autre des pierres qu’un animal avait pu déstabiliser dans la nuit. De même que nombre de passants étrangers s’y attardaient, le temps d’une simple pause ou celui d’une courte prière.

Fasciné moi-même, il m’arrivait de m’en approcher. Parfois même de m’asseoir tout à côté à certaines heures de la matinée. Dans une absolue solitude je puisais alors en ce très secret vestige si souvent révéré, quelques moments de paix. Attardant mon regard sur la disposition de chacune des pierres, sur chacun des curieux fétiches qui entretenaient son mystère, je ne me relevais qu’avec lenteur, comme marquant un profond regret à devoir m’en éloigner. Ce n’était assurément qu’un simple amoncellement de cailloux, mais tant de marques d’attention témoignaient de l’importance que lui attribuaient les gens de la contrée. Quantité de lambeaux de tissus délavés, ternis par les intempéries et le plein ensoleillement s’y agitaient à un moindre souffle. Des mèches de cheveux pendaient de même ça et là nouées aux quelques tiges d’une végétation asséchées parvenue à la bonne saison à se frayer un passage au travers de l’amoncellement des pierres. De moles colorations de fragments de poteries de même que de vieux peignes édentés et combien d’autres objets tout aussi hétérogènes attestaient de façon indéniable de résurgences d'un fétichisme indélogeable parce que ancré au plus profond de l’âme berbère. L’islamisation n’étant point parvenue à éradiquer ce culte pratiqué du plus profond des âges, il lui fallait s’accommoder d’une telle fusion.

Chaque printemps, quelques nouvelles pousses émergeaient par endroits. Issues des profondeurs, elles ne parvenaient à se hisser jusqu’à la lumière qu’en vertu d’un même miracle. L’été venu, pareilles àde chétives créatures vivantes exhumées du silence et du noir, exténuées, décharnées, toutes tendaient leurs membres flétris, comme sollicitant je ne savait quel secours. Symbole même d’une longue désespérance, d’une non moins douloureuse expiation, cela ne faisait que conforter en moi l’idée d’un inconnu, succombé et enseveli en ce lieu. Et de me surprendre parfois à murmurer:

« Qui que tu sois, prédicateur, soldat romain, conquérant arabe ou simple et humble quidam, saches que j’envie ô combien ton sommeil !».

Parce que j’avais acquis cette certitude qu’aussi longtemps que nul bouleversement ne surgirait, capable de chambouler la nature et l’ordre des choses au sein de ce pieux terroir, le fantôme d’un inconnu allait continuer de roder en cet endroit. De même que se perpétuera sa célébration avec une même spontanée ferveur par tout un peuple certes converti à l’islam mais non moins demeuré indéracinable de ses plus lointaines sources.

Les us et coutumes: une scène souvent rencontrée.

Un lavis. Une création d'amateur dont il est mieux d'oublier le nom. Pas du tout réussie.

...LUCIEN, mon pote...

J'ai honte...je viens seulement de découvrir tes 2 petites merveilles...Je ne peux pas être partout, mais l'essentiel est là...
Je les découvre...BRAVO LULU...Trop beau, comme disent les jeunes...Le buste mérite un agrandissement.

Par contre, je me suis aperçu une fois mon travail envoyé, que j'avais fait "citer" au lieu "d'éditer" sur ton post, ce qui a eu pour effet de le supprimer... J'ai arrangé la sauce comme j'ai pu, mais ton texte a disparu...
Je suis franchement désolé...De mémoire, je me souviens que tu répondais à Ghislaine....

Si tu te souviens de ce texte, je me ferais un plaisir de le rajouter...Tu ne m'en veux pas...???

Suite...

...Le vendeur d'eau

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