Les artistes du R.D.L.B. et autres artistes

 

                                                                                                     

 

Et c’est les yeux émerveillés dirigés vers ce vide sans fond qui commençait à s’embraser que, terrassé,  Labdi  se laissa enfin  emporter vers le merveilleux monde  promis.

 

L’annonce du décès, aux premières lueurs matinales donna prétexte aux mêmes rituelles et exubérantes manifestations auxquelles il fallait s’attendre.

Les premières assommantes clameurs ayant progressivement  fait place à de sporadiques  lamentations, pleurs et plaintes s’éternisèrent ainsi durant tout le temps de la préparation du corps et de celle des obsèques. Des plaintes lancinantes qui allèrent s’amplifiant au fur et à mesure de l’arrivée  de pleureuses accourues des environs. Ce ne fut bientôt plus qu'un concert confus de cris stridents qui, s’atténuant à leur tour  ne laissèrent plus filtrer de la demeure que de  nouvelles lancinantes lamentations.

La sortie de la dépouille de l’habitation fut pour l’épouse l'occasion d'une démonstration de l'ampleur de son chagrin.  Comme possédée du démon, elle ne  paraissait plus être en mesure de se dominer. Ses gestes et ses paroles  confinaient à la pure folie. Elle  courait, sautait, s’arrachait de pleines poignées  de cheveux. De ses ongles pointus elle  se labourait atrocement le visage,  jetant des cris inarticulés d’un perçant à vous  donner la chair de poule et à vous arracher le cœur. Se  laissant tomber par terre, elle poussait la démence  jusqu’à se rouler dans les cendres d’un foyer éteint mais encore fumant. Plus étrange encore,  au moment de la levée du corps par les brancardiers,  le paroxysme du délire atteint, la voilà qui  passe et  repasse sous  le corps du défunt mari.

« C’est la caïda » (la coutume), crut devoir m’indiquer l’un des hommes qui contemplait tranquillement  la scène;  ajoutant devant mes airs quelque peu éberlués : c’est le seul moyen connu qui  permette  d’endormir l’enfant qu’elle  porte déjà dans son ventre. Ainsi restera-t-il dans un état sommeillant aussi longtemps que  Aicha  le souhaitera. C’est la caida! »  Insista-t-il, convaincu de même que l’entourage, qu’il était du devoir de toute épouse de se conformer à  la tradition au décès de son mari.

En dépit de mon jeune âge, la chose me paraissait claire. J’en tirait tout bonnement cette conclusion  que mêmes au plus profond de leurs chagrins et même au comble  de  leurs transes, les épouses éplorées ne perdait  jamais tout à fait le nord. Il ne pouvait bien évidemment échapper qu’à des êtres d’une naïveté tout à fait  déconcertante que de  telles simagrées   n’avait pour visée que  de sauvegarder  la dignité des veuves.

Un peu plus l’écart, adossé à un  tronc d’eucalyptus Jilali le fils, observait sans broncher tout ce remue-ménage. Le regard froid, il ne paraissait aucunement concerné par le drame. Toute l’effervescence qui se déroulait sous ses yeux ne faisait  que légitimer  le rôle de  chef de famille qui lui revenait désormais de plein droit. Bien des choses allaient enfin pouvoir changer dans le foyer. Tout dans son attitude laissait d'ailleurs  deviner qu’il s’en réjouissait d’ores et déjà  intérieurement. Ce qui ne laissait présager rien de bon, notamment pour l'avenir de sa sœur, une copine d'enfance. Je m'en sentait  fortement affecté.

Ce que je découvrais m'ayant néanmoins  procuré un petit brin d’amusement, pourquoi ne point l’avouer, l'affliction que j'entendais partager  avec lui mais bien plus avec ses proches s'en trouva   considérablement amoindrie. 

                
                

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