Le Journal d'Odette Derennes, Khénifra 1929

Bonjour Lucien,

La précision "(auto)", en effet particulièrement bien venue, figure sur le manuscrit original :

Cordialement

Objets et appareils familiers des années 30, que Mlle Odette Derennes cite dans ses pages qui sont encore autant  d'images qui laissent pensifs...

Bonjour à Tous,


Il est de  plus en plus question du départ...

Suite :

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Mercredi 6 février 1930 -

Il a plu de nouveau, et il fait un vent très froid.
Ce matin, le souk n’avait pas lieu sur la place habituelle, mais à l’intérieur de la Kasbah.
Vu le temps, il y avait très peu de monde. Je suis allée acheter des oranges.

L’après- midi, je l’ai passée chez Madame J. et, le soir, René et moi, sommes allés prendre l’apéritif chez le Vétérinaire.
Il y avait avec nous le capitaine-payeur. On a fait jouer du phono pendant un moment.

Je comptais recevoir une de vos lettres ce soir – Comme toute la semaine : rien.
La robe de Lily n’est pas arrivée – Le pâté, lui, est arrivé...
Vu que nous partirons de Casa le 25 février, il sera assez préférable que je rapporte la robe. D’ici le 1er, il faut espérer que Lily n’en aura pas besoin.

Nous allons commencer à faire les malles car René veut qu’elles partent avant nous, à cause du blocage de certains postes par la neige.
René a d’énormes caisses pour ses tapis.
Le Lieutenant C. lui a offert aujourd’hui, une peau de panthère.

Nous partirons assez probablement le 17 janvier de Khénifra, avec le Lieutenant C. qui nous amènera jusqu’à Meknès dans son auto. Ce sera beaucoup plus agréable qu’un car où l’on est secoué comme des pruniers. Nous visiterons jusqu’au 25 les différentes villes et nous nous embarquerons ce jour-là, à Casa.

C’est bien dommage que je quitte le Maroc en ce moment à cause du soleil.
Il me tarde cependant de vous revoir tous en bonne santé, je l’espère.
De bons baisers que vous partagerez avec Lily, Guy, Gaby.
Odette

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Samedi 8 février 1930 -

Le vilain temps continue – Aujourd’hui, il pleut et il fait un vent très violent ;
René a de nouveau une bronchite et, en ce moment, l’infirmier lui pose des ventouses.
Depuis trois jours, il a pris la sage résolution de ne plus fumer – il a tenu jusqu’ici sa promesse – puisse cela continuer.

René ne s’est pas rendu ce matin à l’hôpital, c’est plus prudent avec ce temps.

Nous avons reçu, hier, deux de vos lettres – Nous savions la mutation de René à Tours, depuis deux ou trois jours.

C’est bien ennuyeux qu’Angèle agisse comme cela – Ce que vous avez trouvé peut vous faire supposer qu’elle a chipé autre chose…

Alors Lily a du passer son permis de conduire – espérons ma chère sœur que pour l’occasion tu n’auras écrasé personne et que tu auras su savamment faire un retour en arrière – Raconte-nous comment cela s’est passé…
René a obtenu ici son permis de conduire grâce à Monsieur H., l’Ingénieur des Travaux Publics, chez qui nous sommes allés dîner. René n’a même pas même passé l’examen, donc aucun frais…

Peney vient de rentrer et m’a dit que le Colonel venait de nous inviter à déjeuner demain. René ne se trouvant pas bien, a refusé.

Hier, nous sommes allés faire notre visite de digestion chez H. – On nous a offert le thé et, vers 18 heures, l’apéritif. On ne peut pas faire moins quand on va chez quelqu’un – Et cela ne m’étonne pas qu’on prenne de mauvaises habitudes, dans les colonies.

Comme René avait refusé chez J., je suis allée l’excuser de vive voix auprès de Madame.
Dehors, il y avait une boue affreuse. J’y suis restée jusqu’à 19 heures en compagnie des C..
Après avoir pris congé, ces derniers ont insisté pour me raccompagner en auto.
Une heure avant, Madame H. m’avait fait une proposition identique…

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A suivre...
Cordialement.
J.M.

Tapis berbères du Moyen Atlas


pays Zaïane..................................Béni Mguild...........................Aït Youssi[/center]

Sources : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6213106q.r=Maroc.langFR

BBonjour à Tus.

Le départ est proche...

Suite :
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Dimanche 9 au jeudi 13 février 1930 -

Notre séjour touche à sa fin – Plus que neuf jours –
Les caisses sont presque terminées et petit à petit, on débarrasse la maison des meubles qu’elle contient et qui appartiennent à l’Infirmerie-Ambulance.

Le successeur de René est le Dr M., celui qui est venu ici, il y a deux mois environ.
Il vient de se marier, il y a peut-être un mois, avec une jeune fille de Montpellier – Il a 38 à 40 ans – je les lui donne, car il a la Croix de Guerre.

Vers 9 heures 30, il y a eu messe dans le réfectoire de l’infirmerie ambulance.

L’après-midi, nous sommes partis nous promener, les H. et les C. dans les deux autos –
Le temps était très mauvais, aussi nous ne sommes pas descendus de l’auto. Nous sommes allés jusqu’à M’Rirt.
Ces Messieurs ont tiré, de l’auto, sur des vanneaux, étourneaux – c’est effrayant ce qu’il y en avait…

Nous sommes repassés à l’endroit où les A. ont été assassinés – Une pile de pierres, devant un poteau télégraphique, en marque l’endroit. A un ou deux kilomètres, se trouve leur maison, bien entendu habitée par un arabe, car aucun européen n’a voulu la louer.       
…Il parait que c’est de leur faute s’ils se sont fait tuer : le soir de la tragédie, ils s’étaient attardés chez les Heyraud, pour aller ensuite présenter leur gosse à la maîtresse d’école et comme un fait exprès, M. A n’avait pas de révolver ce soir-là. C’était la première fois qu’il en était dépourvu !

Vers 17 heures, nous sommes revenus, presque la peur au ventre. Ce pays est sauvage comme pas un et ressemble, en plus aride, aux Pyrénées – les routes sont toutes en lacets.

De retour chez les H, nous nous sommes mis à jouer à la roulette et j’ai bien perdu – Ensuite nous avons pris le thé et, vers 19 heures, l’apéritif.
Je suis rentrée en auto, ce qui est bien agréable avec toute cette boue.

Le soir, j’ai joué à la bataille avec le Dr Peynet et je lui ai gagné toutes les parties. Il en était vert – malgré cela, je n’ai pas récupéré ce que j’avais perdu chez H.

Le jeu de roulette est terrible ; à un moment M. C. a misé un franc sur un nombre qui est sorti gagnant – Madame H. qui était banquière a été obligée de donner 35 fois la mise, soit 35 francs – Vous voyez, cela va vite !

René me prie de vous dire qu’il n’a pas besoin de chambre – pour trois mois, il n’en voit pas la nécessité.

Je vous écrirai je crois une fois avant notre départ et peut-être en cours de route, car, je vous l’ai déjà dit, nous visiterons avant de quitter le Maroc, Fez, Rabat et si possible Marrakech. Nous nous embarquerons donc le 25, un mardi, je ne sais sur quel bateau.

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Madame B. m’a dit de venir cet après-midi, de bonne heure, aussi vais-je clore ma lettre.

J’espère que vous êtes en bonne santé et que nous vous retrouverons de même.
Je vous embrasse tous pour René et pour moi. Ne nous oubliez pas auprès de Guy et de Gaby.
Odette

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Le départ s’approche :
René sera libérable le 15 février. Nous partirons assez probablement le 18 ou 20 de Khénifra pour nous embarquer le 25 à Casa et arriver vers le 1er mars à Bordeaux.

Le remplaçant de René n’est toujours pas arrivé ; il ne devrait pas tarder…

Que dois-je faire pour la robe de Lily ? - Vous renvoyer aussitôt le paquet reçu, puisque nous ne serons de retour que le 1er mars, au cas où elle en aurait besoin avant cette date ?

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Vers 10 heures, je vais aller à l’Hôtel de France pour faire le catéchisme.


A midi, nous allons déjeuner chez l’Ingénieur des Travaux Publics qui habite une très belle villa genre basque : c’est la plus belle de tout Khénifra.

En même temps que votre lettre, sont arrivées celles que vous aviez reçues de Tante Madeleine et M. C. ; je vous en remercie beaucoup – nous les avons lues avec plaisir.
Encore merci mille fois ma Chère Maman d’avoir pensé à m’envoyer la robe.
J’espère que vous êtes tous en bonne santé, que toi, tu es guérie de ton intoxication et que Tonton ne se fatigue pas trop, maintenant qu’il a une infirmière au cabinet médical.
René qui est en bonne santé, se joint à moi pour vous embrasser bien fort.
Odette


(Illustration : Internet)
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A suivre...

Cordialement.
J. M.

""Dimanche 9 au jeudi 13 février 1930 -
Notre séjour touche à sa fin – Plus que neuf jours – Les caisses sont presque terminées et petit à petit, on débarrasse la maison des meubles qu’elle contient et qui appartiennent à l’Infirmerie-Ambulance.""

Bonjour Jacques,

Voilà, plus haut, ce qu'écrivait Mlle Odette Derennes en ce 13 février 1930....
On s'est habitué à la retrouver tous les jours... Elle va nous manquer, tant elle nous est familière à présent.

Ce serait bien si l'on pouvait apprendre ensuite, ce qu'il est advenu d'elle à son retour à Bordeaux, quel a été son parcours. Sans entrer bien sûr dans l'intimité de sa vie de femme, juste un récit succinct, dans le style d'Odette (je me permets de la nommer ainsi...). Peut être aussi, connaitre les souvenirs qu'elle a retenu de ce passage au Maroc, dans ce coin relativement rustique de Khénifra en 1930.
Cette  dernière page est assez impressionnante à la lecture des évènements de Khénifra à cette période. Je trouve qu'Odette Derennes traverse ces moments sans la moindre inquiétude apparente. et toute sérénité... Une bonne dose de courage, tout de même...

Je me fais l'interprète de beaucoup d'entre nous et vous remercie d'avance de satisfaire ma demande...

je me joins volontiers à ANDRE pour te remercier JACQUES . Nous nous étions habitués tous les jours à lire tes lettres "postées" .Cela va nous manquait.
merci encore et bonne journée

JIMMY
La lettre de la maman de Jacques datant du 13 février et l'embarquement étant prévu pour le 25, ne nous désolons donc pas déjà: Nous avons de grandes chances de profiter encore de quelques savoureuses lectures.

Bonjour à tous et à toutes,

Je me présente : je m'appelle Bernadette et suis la soeur de Jacques, donc...la fille d'Odette. Habitant Paris (France), je suis venue rendre visite à mon frère    et en ai profité pour lire vos commentaires (souvent élogieux envers notre mère, il faut le reconnaître...)  
J'ai eu le plaisir de taper à Rennes les lettres de notre mère avec Jacques et  me suis bien amusée :lol!:  et instruite en même temps. Vos ajouts et compléments de documentation sont très intéressants et encourageants. J'ai réalisé que notre mère avait 23 ans en 1929 et que quitter sa famille trois mois durant, était une grande aventure pour elle. Elle a rendu service à son frère et nous a permis de rêver et d'imaginer dans quel beau pays elle avait la chance de passer du bon temps.
Ma grand mère était une femme volontaire et ouverte. Laisser sa fille partir à cette époque seule,si loin, rejoindre son frère dans le Moyen Atlas, il fallait le faire !
Notre mère s'est mariée peu de temps après ce voyage avec un militaire, futur Colonel. Elle n'a pas travaillé, mais a élevé ses trois enfants (deux enseignantes et un officier...    ). Nos parents sont malheureusement décédés mais nous formons une famille unie et aimons évoquer notre jeunesse quand nous n'avions pas d'argent de poche mais que nous recevions nos amis autour de films 8mm que notre père nous passait avec joie...

Resteront toujours sans réponse les questions suivantes :
- Quel pouvait bien être l'état d'avancement du Coulommiers dégusté sans modération par notre oncle René et par le Dr Peney?
- D'où venaient le foie gras et les huitres ?  
- Pourquoi le Père de Kebab ne faisait-il pas son lit avant de dire la messe ?  
- Où les véhicules faisaient-ils le plein ?
- Combien d'heures hebdomadaires René travaillait-il? :sleep: 
Je repartirai à Paris jeudi et n'aurai plus internet. Jacques me tiendra informée de vos commentaires. Où que vous soyez, je vous embrasse très affectueusement en vous remerciant de votre dynamisme
Bernadette

Bonsoir Bernadette,

Wouaaouh...., ça c'est sympa de votre part... Personnellement, votre intervention me touche beaucoup. On en connait un peu plus sur Mlle Odette Derennes, votre Mère. Au risque de me répéter, sachez qu'elle était devenue une personne familière de notre petite corporation et que ses apparitions journalières étaient attendues avec plaisir et impatience...

Restent effectivement 5 questions à résoudre     , à chacun de nous de donner sa propre conclusion...  
On va simplifier en disant que l'état "coulant du Coulommiers" lui permettait d'arriver seul à Khénifra, ses propres fragrances le devançant...  ;
Les huitres de Sète (moins loin) et le foie gras du Gers (classique...);
...que René était fonctionnaire...??.  Une question à son sujet si vous le permettez ...!!! René faisait-il partie de l'administration des Affaires Indigènes ????  
...les véhicules s'alimentaient à la pompe certainement...(!!!! ) J'ai appris que Meknès ( le KM10 ou KM6, l'ERGM, en fait...) pourvoyait toute la région;
...et que le père de Kebab ne faisait pas son lit avant le service religieux, c'était pour le retrouver en l'état juste après le vin de messe...    ;

Je plaisante bien sûr....  

Je suis heureux d'apprendre que Mlle Odette a suivi une route exemplaire.J'ai beaucoup apprécié son sens de narration...   

Je vous souhaite un bon retour à Paris et espère vous relire un jour. Mes respectueuses salutations - André

Merci à vous, Jacques et à vous , Bernadette de nous avoir fait partager les souvenirs de votre Maman.Ce rapport quotidien va nous manquer. Bon retour sur Paris .

SALAM A TOUS.

MERCI JACQUES, MERCI BERNADETTE.

OUI..... LES LETTRES D'ODETTE VONT BEAUCOUP NOUS MANQUER. LORSQUE JE VENAIS SUR LE SITE.... CETAIT LA PREMIERE RUBRIQUE QUE JE LISAIS.
MERCI ENCORE JACQUES.

BISES A VOUS DEUX.
HUGUETTE

Bonjour à tous,

Merci pour vos messages amicaux.

Avant de repartir sur Paris, je voudrais m'adresser particulièrement à André,votre administrateur, qui a pris la peine avec un humour percutant de me répondre et de chercher la réponse aux questions posées... Nous avons bien ri Jacques et moi et le félicitons pour ses idées originales et sa conscience professionnelle.

Pour atténuer votre tristesse de ne plus recevoir votre courrier journalier, sachez que ce coquin de facteur conserve encore quelques lettres dans sa sacoche pour faire durer le plaisir... Plus c'est long, plus c'est bon...!

Pour André, en 1929, y avait-il seulement des pompes à essence à Khénifra? Les ERGM n'ont été créés qu'en 1945. J'imagine plutôt un remplissage de réservoir à l'aide d'un simple bidon parallélépipède rectangle ou d'une pompe Japy ou encore d'un Morazni musclé équipé d'une paille?

Bonne poursuite de lecture.
Cordialement
Bernadette

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Suite :
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Vendredi 14 février 1930 -

Bien Chère Maman,
Bien Cher Tonton,
Ma Chère Lily,

C’est probablement la dernière fois que je vous écris de Khénifra, notre départ approche puisque nous partons vraisemblablement mardi 18 février.
Les caisses sont terminées, des Arabes sont en train de taper les tapis dehors.


Nous devions partir mardi dans la Buick du Pacha et avec le Pacha lui-même, mais il vient d’avoir un empêchement.

Le Dr M. (remplaçant de René) a rejoint Khénifra avec sa femme, son auto et son chien.
M. et Mme M.l sont de Montpellier.
Il a épousé la galette (fille de gros propriétaires) qui est gentille mais un peu commune surtout avec un accent….
Le mari et la femme ne sont pas bien assortis – on ne dirait jamais qu’ils se sont mariés le 31 décembre, c'est-à-dire il y a un mois et demi. Elle a 21 ans et en marque au moins 30. Lui a 34 ans (je lui en donnais 38 à 40).
Ils ne sont restés que deux jours à Khénifra – Le premier jour ils ont accepté notre invitation à déjeuner au milieu de nos caisses. Monsieur M. m’a collé sa femme car on voyait qu’il voulait s’en débarrasser.

Je n’avais pas offert votre boite de foie gras à Mme J. – Bien m’en a pris – Nous l’avons ouverte. Ce n’était qu’un poing de sel ! Je vous assure que nous l’avons regretté.

Le surlendemain, le Dr et sa femme sont partis pour Meknès et Casa et le premier tenait à tout prix à m’emmener – Moi, j’ai refusé – faire 1000 Km en trois jours c’est un peu trop – Ils doivent rentrer lundi – Cela aurait été trop fatiguant pour moi, surtout partant le lendemain.

Hier après-midi, je suis allée chez Madame J. chez qui j’ai pris le thé.
Le soir, j’étais invitée avec René, chez les C.
René ne va pas bien en ce moment – hier, il souffrait horriblement du crâne, aussi n’a-t-il pu venir chez les C.
J’y suis allée avec le Véto et j’y ai retrouvé le Lieutenant M. (Spahis) et le Commandant W. (Cdt les légionnaires) – Un très joli dîner avec vins fins, champagne, etc.
Le soir, ces trois messieurs m’ont raccompagnée et j’ai trouvé René souffrant horriblement de la tête. J’ai pu retrouver au milieu des caisses, un tube d’aspirine ; il en a pris un ou deux comprimés, ce qui ne l’a pas empêché de souffrir toute la nuit. Il est content de partir cependant il a l’air d’avoir le cafard.

Je suis allée me peser, dans les mêmes conditions qu’à mon arrivée :
- novembre 63 Kg
- février : 67 Kg.
Je vérifierai à Bordeaux si cela est vrai. Tout le monde me dit que j’ai bien profité ; J’ai un appétit très régulier et non excessif.
Je dois mieux assimiler depuis mon arrivée au Maroc… et, de ce côté-là, tout va pour le mieux…

Le temps semble vouloir se remettre au beau. Dès qu’il fait soleil, c’est un véritable printemps.
Je vais surtout regretter le Maroc pour le soleil – il est unique au monde.

Aujourd’hui, je suis partie avec les C. en auto.
Nous sommes allés sur le champ d’aviation où Mme C. a appris à conduire, pendant que sa sœur et moi nous nous chauffions au soleil, au bord de l’Oued.
Ensuite nous sommes rentrés, pour converser sur une terrasse, jusqu’à 17 heures tellement il faisait bon ; On a pris café au lait et gâteaux et, vers 18 heures, avons effectué une promenade sur la rue principale de Khénifra – nous l’appelons « l’Avenue de la Grande Armée » - elle est bordée de tous côtés par des champs.

Hier soir, nous n’avons reçu que votre lettre – Les communications se font toujours très mal. Tantôt un avion capote (je crois qu’il y en a bien un chaque semaine) - Il parait même, qu’avec le mauvais temps, une péniche a coulé, avec colis et Poste, en vue de Casa, car le bateau ne pouvait accoster.

Nous espérons, mon Cher Tonton et ma Chère maman, que les malaises dont vous souffriez ont disparu et que nous allons vous retrouver en très bonne santé ;
Vous ne nous parlez pas du permis de conduire de Lily ????

Il nous tarde de vous revoir, cela va arriver bientôt.
Je vous écrirai de Casa ou d’une autre ville avant de nous embarquer ;
Je vous embrasse bien fort.
Odette

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A suivre...

Bonsoir Bernadette,

Je reprends deux lignes de votre post ci dessus.... :
"Pour André, en 1929, y avait-il seulement des pompes à essence à Khénifra? Les ERGM n'ont été créés qu'en 1945. J'imagine plutôt un remplissage de réservoir à l'aide d'un simple bidon parallélépipède rectangle ou d'une pompe Japy ou encore d'un Morazni musclé équipé d'une paille?"

Tout d'abord bravo pour le moghazni avec sa paille... En plus des muscles, il lui aurait fallu une capacité thoracique assez conséquente...  Pour la pompe Japy dont voici une image (un levier qui, actionné, alimentait 2 réservoirs en verre où l'on voyait gicler l'essence)...??? "ouaille note", comme me disait ma grand mère...Durant des années j'en admirais une (pompe) lorsque je passais devant, route de Fès à Meknès.
Mais par contre, je me suis laissé aller dans mon élan pour ce qui est de l'ERGM. 1945, dites vous...??? certainement...!!! celui de Meknès fut créé en 1948. Comme mon père y a travaillé à partir de 43, je suppose que l'établissement devait s'appeler l'ERM (????) En plus , ERM ou ERGM n'alimentaient que l'armée...
Ce que je sous entendais (après beaucoup de réflexion...   ) ..qui dit automobile, dit essence, qui dit essence dit pompe, qui dit pompe dit distributeur... Je suis allé le chercher un peu loin celui là...
On peut voir dans plusieurs CPA des années 1925 et même avant, des pompes de ce type aux bords des trottoirs.

Dans mon (2ème) élan, ci dessous 3 photos successives de khénifra prises presque sous le même angle. Intéressant la progression dans le temps...A la louche, on peut estimer dans l'ordre, la 1ère années 20,la 2ème,25/30, la 3ème + de 30 mais un chouïa seulement...
- l'entrée de la caserne au fond. A droite, la maison de Mr André Oudard, une figure emblématique de la ville semble-t-il...Mais surtout , notez une partie du "restaurant de France" à gauche...lJ'ai cru lire que Mlle Odette Derennes a parlé d'un certain hôtel de France (?????)
...près du flan droit de la voiture, sur le trottoir, ne serait-ce pas une pompe à essence...?????Par contre, à droite, notez le mogharzni.... C'est peut être lui le pompiste...???  
... Il faut préciser que nous sommes dans le futur quartier du Far West à Khénifra...L'entrée du camp, toujours au dernier plan...Il existe d'autres photos plus récentes de ce quartier .

Rendez vous compte que votre maman a certainement visité cet endroit en 1929/30...!!!

Bien... J'ai passé un excellent moment avec vous... Je vous souhaite un bon voyage...!!!

Pour les photos, les sources proviennent de Dafina et du Net

Bonjour André, 

Merci pour votre réponse si rapide, pour les précisions techniques, les photos et... votre humour...!

Jacques précise    que l'essence devait pour les militaires, probablement être distribuée par le Service des Essences des Armées.

Avant le service du Matériel, les Parcs d'Artillerie assuraient la mission de soutien technique.
Au Maroc, c'était le 24ème Bataillon d'ouvriers d'Artillerie :

Bonjour à vous tous,

et en particulier à BERNADETTE pour vous dire que j'ai apprécié votre intervention sur notre site et c'est avec plaisir que nous venons de faire votre "connaissance" (virtuellement bien sûr !) voilà, nous vous devons donc aussi des remerciements d'avoir aidé votre frère JACQUES ... (tiens ! cela sonne bien et me rappelle une chanson, n'est-ce pas ? :lol!: )
Bon retour à Paris et à une autre fois..peut-être ! !

BERNADETTE ET JACQUES
Avec un peu de retard je viens me joindre aux laudateurs de votre maman. C'est sincère et ô combien mérité. Ce journal rapportant chaque instant de toutes ces journées passées dans ce bled perdu d'Afrique du nord est un régal pour le lecteur. Quelle précision dans les descriptions! Pour la jeune fille qu'elle était à l'époque, quel merveilleux mais risqué voyage. C'est que le pays n'était pas encore pacifié. Tirer au fusil pour une demoiselle muée en chasseresse ce n'est pas courant. Elle l'a fait et est devenue adroite dans cet exercice. Et puis, et puis, et puis...
Je ne vais pas m'étendre plus longtemps au risque d'être fastidieux.
Je veux simplement vous remercier tous deux pour nous avoir offert ce récit par étapes qui aurait mérité d'être connu du grand public.

Bonsoir Bernadette,
Un mot juste avant votre départ.
Votre maman s'est occupée de son frère... Quelques décennies plus tard, à votre tour d'en faire autant à votre frère...
La vie est un éternel recommencement...Au fait, je trouve que vous ne manquez pas du tout d'esprit vous aussi, et cela nous est très agréable...
Jacques ,
Un salut, et merci pour toutes ces dernières précisions...Pour le problème d'approvisionnement de l'essence, ci dessous 2  CPA des années 25...1925 pour la 1ère, quelque part en France - la 2ème, avant 1930, à Meknès, place Volubilis...Dans l'ovale, la pompe Jappy que j'ai toujours vu à cet endroit. A cette époque, Khénifra possédait une agglomération européenne...
....

J'espère que l'on reparlera des insignes et autres médailles plus tard... Je connais quelqu'un de chez nous qui n'attend que ça...!!!

Vous avez raison de nous faire patienter pour les prochains extraits du carnet d'Odette. On appréciera d'autant plus les instants de lecture.

Bonjour à Toutes et à Tous,


Grand merci pour vos commentaires.

Le facteur apporte une lettre !

Suite :

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Mercredi 19 février 1930 -

Bien cher Tonton, bien chère Maman,

Nous avons quitté Khénifra hier matin, après avoir fait, la veille, nos adieux et une dernière diffa qui était très bien.

Mme B. est venue me saluer à l’autobus. Elle était là à 7 heures et demi ; elle est restée jusqu’à notre départ, à 8 heures.

Le voyage n’a pas été trop fatigant entre Khénifra et Meknès.
Les routes sont arrangées et le car était plus confortable qu’à l’aller.

Nous sommes arrivés à Meknès vers 13 heures 30, et avons déjeuné aussitôt dans un chic restaurant « Le Glacier » : 15 francs par tête.

Pour digérer, nous sommes allés en calèche dans la Médina, ville indigène, qui n’est pas trop mal et qui change passablement de Khénifra.

Nous avons repris ensuite la voiture et sommes allés au Camp, car René voulait y saluer le Docteur B. Moi, je l’attendais pendant ce temps.
Une demi-heure plus tard, René est arrivé avec ce docteur et un autre médecin. René lui ayant dit que j’étais là, il a tenu à venir me saluer. Il est tout jeune pour avoir déjà quatre galons. Il nous a dit : « Vous savez, S., mon adjoint pour les visites civiles, ne sera pas content si vous n’allez pas le voir ». Nous n’avions pas le temps.

Vers 17h, nous devions prendre le train pour Fez.
En allant à la gare routière, j’ai aperçu Josette et son mari, très chics tous les deux. Josette avait un manteau noir qui tombait jusqu’aux pieds avec un col blanc de fourrure.
A 17h30, nous prenions le train pour Fez, en wagons de deuxième classe tout à fait différents des wagons français. Les banquettes sont en osier. C’est vraiment très original.

Nous sommes arrivés à Fez à 19 heures. Un taxi nous a conduits à l’Hôtel Continental où nous avons pris une grande chambre à deux lits séparés par un rideau.
Vers 20 heures, nous sommes allés dîner dans un autre restaurant chic, « Trianon » - (15 francs par tête), puis ensuite nous sommes allés dans un bar-dancing dans lequel René a retrouvé un lieutenant qu’il avait connu à Khénifra.

Vers 21h30, nous sommes allés nous coucher et avons bien dormi car nous étions légèrement fatigués.

Le lendemain, après un bon petit-déjeuner, nous avons pris une calèche jusqu’à la Médina qui est la chose la plus curieuse que j’ai jamais vue au Maroc. Elle compte 150 000 habitants, c’est vous dire le monde qu’il y a…
Il faut d’abord un guide, car pour se retrouver dans ce dédale de boutiques, ce n’est pas petite affaire !
On trouve tout ce que l’on peut désirer et toutes les boutiques sont spécialisées. Ainsi les boutiques de cuir sont regroupées. Dix peuvent se suivre par exemple dans la même ruelle et ainsi de suite.
Les passages sont étroits et tortueux, ils sont recouverts de bambous entrelacés pour protéger les gens du soleil.
Nous avons fait des achats, surtout René qui y a laissé plus d’un billet de mille.
C’est effrayant ce que c’est cher, et il faut discuter les prix à chaque fois….
De plus, on voit toutes sortes de belles choses et on est tenté de tout acheter… Heureusement, René a calmé un peu mon emballement…
Je suis bien contente qu’il m’ait fait voir Fez, cela aurait été un crime de quitter le Maroc sans avoir vu cette ville si commerçante et sa Médina.
C’est bien simple, arrivés à 9 heures, nous y sommes restés jusqu’à 14h…
Le soir, nous avons dîné à nouveau au Trianon, très bien.

Je vous assure que René fait bien les choses et que mon séjour se termine plutôt bien. Nous comptions aller cet après-midi au cinéma mais aucun n’est ouvert…aussi nous sommes-nous rabattus sur une brasserie d’où je vous écris.



Demain matin à 5 heures, nous quitterons Fez pour Rabat où nous resterons quelques heures, René ayant à faire à la Résidence.
Le soir, nous serons à Casa d’où nous repartirons pour Marrakech.

Quel beau voyage vraiment ! Jusqu’ici, je n’avais qu’une idée fort confuse de ce qu’était le Maroc.
Dans cinq ans, ce pays sera splendide. Tout est neuf. Les magasins sont très beaux et semblables à ceux de Vichy.

Je vous écrirai peut-être avant notre départ, c'est-à-dire avant le 25.

J’espère que vous êtes en très bonne santé.
René se joint à moi pour vous embrasser.
Odette

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A suivre...

Très cordialement.
Jacques Merlin

Oui les boutiques en médina sont groupées par corporations. C'était ainsi en France également au Moyen-Âge. On en conserve encore certains noms de rues : rue des mégissiers, rue des cordeliers, rue des dinandiers etc.
Le trajet Meknès-Fès par train en 1 heure et demie pour une distance de 60 km ce n'est pas si mal pour l'époque.

La grande Brasserie la renaissance à Fèz située au carrefour du boulevard du général POEMIRAU et du 4ème Tirailleurs - Place Clémenceau à l'époque...