Mémoires du "bled" durant le Protectorat
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Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
ALAIN...
MERCI POUR LES PHOTOS ....... JE RECONNAIS BIEN LA GARE D'AIN TAOUJDAT. BIZZ........
HUGUETTE
MERCI POUR LES PHOTOS ....... JE RECONNAIS BIEN LA GARE D'AIN TAOUJDAT. BIZZ........
HUGUETTE
HUGUETTE ROMERO- Messages : 3960
Date d'inscription : 27/10/2010
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Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
LUCIEN
Les Européens étaient déjà presque tous partis du fait de la reprise des terres se profilant à l'horizon.
HUGUETTE
J'ignorais que tu connaissais (au moins) la gare du village en question
Les Européens étaient déjà presque tous partis du fait de la reprise des terres se profilant à l'horizon.
HUGUETTE
J'ignorais que tu connaissais (au moins) la gare du village en question
Grostefan Alain- Messages : 14146
Date d'inscription : 03/11/2010
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Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
On s'y mariait aussi
Ma soeur au bras de mon père
Chouffez un peu les bagnoles de l'époque
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Ma soeur au bras de son mari et le cortège des demoiselles et garçons d'honneur.
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Les demoiselles d'honneur
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Grostefan Alain- Messages : 14146
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Grostefan Alain- Messages : 14146
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Localisation : Talence 33400
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Alain
C'était du temps où personne n'avait encore entendu parler du PACS. Et Dieu sais combien il était émouvant de voir tout un cortège de mariage pénêtrer dans les bureaux de celui qui faisait office de maire ou rentrer en silence dans une église.
C'était du temps où personne n'avait encore entendu parler du PACS. Et Dieu sais combien il était émouvant de voir tout un cortège de mariage pénêtrer dans les bureaux de celui qui faisait office de maire ou rentrer en silence dans une église.
Lucien Calatayud- Messages : 5485
Date d'inscription : 22/10/2010
Age : 94
Localisation : Bouniagues (Dordogne)
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Peut être se souvient-on encore d’un certain Pédro ; un maraîcher à qui je rendais parfois visite au village où nous habitions.
Hé bien voici la suite et la fin de l’histoire de cet homme. La longueur du texte pourra paraître assez rebutante, je le conçois, pour qui n’est pas particulièrement attiré par ce genre de récit.
Si l’on juge qu’il prend trop de place, André n’aura qu’à l’effacer quand bon lui semblera. (ça, certainement pas, LUCIEN...!!! on garde..!!!)
Et puis comme c’est le dernier effort que j’impose à ceux qui jusque là ont eu la patience d’aller jusqu’au bout des textes, j’ai cru bon d’y mettre le paquet cette fois.Bon courage donc
L’histoire se passe dans les années 39/40.
C’était à n’y rien comprendre. Au tout début du déclenchement des hostilités, jamais tant confiants en l’efficacité de notre ligne Maginot, chaque adulte y allait de son ironie à l’endroit de l’apparente arrogance ennemi. L’on glosait même clamant: « Les Boches n’ont assurément rien retenu de la leçon qui leur a été infligée il y à tout juste deux décennies. C’est sûr, ils se casseront à nouveau les dents sur cette forteresse de béton. Il ne leur restera donc plus qu’à rebrousser piteusement chemin! »
Hélas, comme chacun le sait, le plus gros des affrontements ne s’étant pas produits là où l’on s’attendait, au fil des jours le conflit n’en finit plus de se généraliser pour finalement embraser l’Europe toute entière, menaçant même de s’étendre sur l’ensemble des continents.
Certes, de par sa position géographique notre pays se trouvait encore fort éloigné de cette conflagration et par là même des atrocités qui nous étaient rapportées dans leurs plus infimes détails par les quotidiens et les radios.
Quand bien même cette distance assez sécurisante, au village, le conflit n’en fut pas moins vite vécu au travers du désespoir d’épouses ou de mères brusquement séparées d’un être cher qu’on n’était plus du tout assuré de revoir. Et si au tout début des affrontements tout paraissait n’être que feu de paille, les envolées chauvines de commentateurs et d’éditorialistes ne mirent guère de temps à placer une sourdine à leurs tonitruants reportages.
Et tout le monde de se questionner sur nos armées : n’avaient-elles rien su anticiper ? Les diverses grandes manœuvres, ces simulacres de guerre qui avaient déplacé autant de soldats et de matériel, fait se déployer tant de compagnies, d’escadrons et d’escouades dans les pleines campagnes, n’avaient-elles eut pour objectif que de secouer un brin nos officiers sombrés dans des fonctions devenue par trop routinières, de leur faire respirer un autre air que celui des casernes ? Ces impressionnants déploiements n’avaient-ils été que saints divertissements ?
Certains soirs, après souper, avides de nouvelles, il nous arrivait de répondre à une invitation des Raigac, probablement les seuls au village à posséder un poste de radio. N’y étaient malheureusement diffusés que communiqués tout à fait démoralisants. Au tout début, je mettais un point d’honneur à rester là, tout près de l’appareil, cherchant à comprendre ce qui se disait. Mais à la longue, ce devenait lassant que d’entendre souffler ces chauds et ces froids qui n’aboutissaient jamais qu’aux mêmes consternantes conclusions de reculs quand ce n’était de pures et simples capitulations de l’une ou l’autre de nos troupes.
Et puis, d’observer ces adultes, tous muets comme des carpes, l’oreille plus ou moins collée contre le haut parleur, ne sachant plus communiquer que par des grimaces ou des hochements de tête tour à tour approbateurs, dubitatifs ou désapprobateurs, cela non plus n’avait rien de très passionnant. En raison de quoi, je décidai de délaisser une fois pour toutes, les longs et consternants bavardages qui continuaient de filtrer au travers de la belle toile dorée de la T-S-f., comme on l’appelait alors.
Vraisemblablement plus insouciants des drames qui se déroulaient en aussi lointains territoires, mes copains eux, ne s’étaient aucunement privés des jeux du soir, les ultimes défoulements qui animaient bruyamment la place centrale jusqu’à une heure très tardive. Pensez donc au bonheur d’un garçon surgissant brusquement du noir dans le seul but de causer une véritable frayeur au sein d’un petit groupe de filles qui se racontaient ou se chuchotaient on ne savait quelles dernières confidences.
Leurs hurlements vous procuraient une sensation de bien être toute masculine qui vous faisait doublement apprécier d’être né dans un chou, plutôt que dans une rose.
Et lorsque l’heure venait de regagner la maison, quelle tristesse encore que de voir nos mères et nos pères se séparer sur une poignée de mains de veillée de mort. Nulle besoin d’explications pour comprendre que sur les différents fronts, la situation n’allait qu’empirant sans nul espoir d’un ressaisissement de nos forces.
Comble d’effarement, voici que l’Italie et l’Espagne font alliance avec la puissance qui depuis le tout début des hostilités mène le jeu tout à sa guise: Je parle de l’Allemagne, comme chacun l’aura compris.
Des traités qui au village comme partout ailleurs, ne sont pas sans éveiller quelques légitimes méfiances à l’endroit des émigrés originaires de ces nations. Quoi que, établis dans le pays depuis belle lurette, ces gens n’en soulèvent pas moins quelques prudences. On se prend donc à observer chacun de leurs mouvements, à épier de plus près ceux chez qui l’on décèle, à tort ou à raison, quelque conduite bien étrange. L’on va jusqu’à soupçonner de possibles infiltrations dans un quelconque réseaux d’espionnage. L’on va même jusqu’à remarquer chez certains tout le profil de « combattants de l’ombre» tels qu’on se les représentait. Et combien d’autres perfidies.
Quand bien même la plupart si ce n’est l’ensemble de ces individus n’approuvait en rien ces alliances. Mais là encore, pouvait-on se fier aveuglément à de tels jugements chuchotés la plupart du temps en toute confidence? La pleine innocence de ces personnes ne pouvant bien évidemment être établie qu’avec bien des réserves, il convenait donc de parer toute éventualité d’agissement malveillant, celui d’un sabotage, celui d’une non moins sournoises collaborations.
En un mot disant, prévenir toute félonie qui sans feu ni fumée n’en serait pas moins en intelligence avec l’ennemi? Ces choses ne relèvent pas que de la seule créativité cinématographique, celles d’auteurs à l’imagination féconde! Par mesure préventive, toutes ces catégories de personnes se devaient par conséquent être mises au plus vite hors d’état de nuire.
Allemands, Italiens, Espagnols et bien d’autres, traqués jusque dans les confins de bleds les plus reculés sont dès lors arrêtés, regroupés et conduits vers des lieux de concentrations établis en hâte.
L’un de ces camps se situait précisément à deux ou trois heures de marche, dans un village assez voisin du nôtre, disait-on.
Une mesure qui à priori ne souleva nulle désapprobation dans notre cité devenue soudainement tout aussi circonspecte que partout ailleurs.
Mais… tout même ! Etait-il vraiment indispensable d’en étendre l’application à un tas de braves gens dont on savait bien qu’ils ne nourrissaient que sentiments de gratitude à l’égard de ceux qui les côtoyaient journellement?
Etait-il bien nécessaire de faire subir une aussi rude et humiliante disgrace à notre brave Pédro dont la seule préoccupation consistait à honorer du mieux qu’il le pouvait ses engagements vis-à-vis de tous ceux qui lui avaient accordé leur pleine confiance?
Convenant pour leur part qu’il est des cas où l’on se doit de décrypter très attentivement certains textes fussent-ils officiels, d’en discerner la lettre de l’esprit, nos gendarmes ne trouvèrent quant à eux nul inconvénient à ce qu’un aussi honnête homme puisse continuer de vaquer librement. De même que prenant conscience de ce qu’en son absence personne n’aurait continué de fournir légumes, fruits et combien d’autres produits de consommation, on ne put que se réjouir d’une telle noble décision.
En temps de pénurie cette chose revêtait une importance primordiale. La plupart des adultes valides, chargés ou non de famille ayant rejoint le front, seuls demeuraient disponibles quelques hommes plus ou moins vaillants, souvent mobilisés sur place et tenus d’exercer une fonction sans qu’on ne puisse rien exiger d’autre de leur part.
« Ah! Nous l’aurions regretté notre brave Pédro si d’aventure il était venu à l’idée à nos gendarmes de nous en priver! » Clamait la plupart des foyers. En particulier dans les milieux les moins fortunés. Ceux-là ne pouvaient avoir recours comme bien d’autres au « marché noir » ce commerce parallèle qui n’avait point tardé à naître, à se développer jusqu’à atteindre un plein essor.
Plus pragmatiques, les fils Liron qui bénéficiaient d’un sursis depuis la mort du père, avaient habilement choisi d’établir des relations commerciales avec certains grossistes des deux villes encadrantes. Pédro restait donc celui sur qui 1’on pouvait le plus compter en toutes saisons et pour nombre de denrées de consommation. A ce point qu’à la tombée de la nuit, les bruyants grincements de chaîne de son vélo, résonnaient pareil à une sonnette semeuse d’abondances: Légumes, fruits, volailles, lapins oeufs, tout ce qui pouvait se présenter de première fraîcheur et à des prix purement bradés étaient livrés avec une même régularité doublée d’une permanente courtoisie.
Priorité restant de rigueur aux foyers dont on savait l’un des membres de la famille plongé dans l’enfer de l’un des fronts. L’on n’entendait et ne voyait d’ailleurs plus que lui, Pédro, sillonner de long en large le village dès la tombée du soir. D’une même allure sereine, il continua donc de circuler, de frapper discrètement à l’une ou l’autre des portes, apportant ainsi son soutien à tous ceux qui sollicitaient son aide. Recueillant à l’occasion les commandes, il n’hésitait pas non plus à rendre quelques menus services à l’un ou l’autre des plus vieux couples. Une manière comme une autre de témoigner de sa bonne foi et de sa plus parfaite neutralité au regard du conflit. Conscient de ce qu’il bénéficiait d’une mesure très exceptionnelle de liberté, il s’acquittait donc à sa manière de la bienveillance qu’on avait bien voulu lui accorder.
Pédro se gardait d’ailleurs bien d’émettre une moindre observation qui puisse concerner de près ou de loin l’actualité. Mieux encore, il se refermait comme une huître à un moindre propos relevant des événements. Ses achats par contre ne contribuaient en rien, loin s’en faut, à l’épanouissement du commerce local: Un fromage, une boîte de sardines ou de thon, un litre de vin rouge, son pain et son tabac, voilà à quelque chose près les seules dépenses qu’il s’autorisait. Le reste des denrées comestibles étant tout bonnement puisé dans sa propre production.
Un après midi de plein été, à l’heure où 1es ardeurs du soleil tenaient tout le monde calfeutré, ce diable de jeune Labersat, le fils du nouveau Directeur d’école, aussi présent et harcelant que le sont les mouches qui vous chatouillent le nez aux heures de sieste, ce démon de copain disais-je, qui avait pratiquement élu domicile chez nous, parvient une fois encore à bout de l’inertie que je m’efforçais de lui opposer depuis un bon moment. Transgressant donc l’interdiction qui nous était faite de sortir, nous nous éclipsons le plus subrepticement possible refermant la porte derrière nous sans un moindre bruit. Dehors, 1’air était celui d’une fournaise, tout juste irrespirable.
Nous étant précipités à l’ombre du vieil hangar désaffecté fait d’un assemblage de planches et de tôles, juste en bordure de la route qui traversait de part en part le village, un édifice qui n’en finissait pas de se dégrader et de défigurer outrageusement la place centrale, nous restons là, suffocants, accablés, tout amollis par la satanées canicule.
Pas âme qui vive à pareille heure de ce début d’après midi dardé des braises d’un soleil grimpé à son plein zénith. Partout portes et volets se tenaient hermétiquement clos. Une bien étrange impression que celle qui se dégageait ; une sensation de désertion déjà ancienne des lieux, celle angoissante d’une cité vidée pour une éternité de toute présence. Et comme voulant accentuer ce déprimant décor, d’instantanés tourbillons brûlants prenaient naissance ça ou là. Folâtrant de façon capricieuse, ils couraient, rejetant tout un mélange de feuilles sèches et de grains de sables aspirés avec rage tout au long de leurs trajectoires.
C’est dans un pareil oppressant climat que j’ose à peine glisser à l’oreille de mon compagnon :
« Entre nous, ton idée d’évasion n’a rien de géniale. Non seulement il y a ici beaucoup plus de mouches que nous en avions à l’intérieur mais on y transpire mille fois plus! »
Il aurait cependant fallu davantage que ce simple reproche pour ébranler l’obstination de celui qui ne trouve maintenant rien de mieux à faire que d’aiguiser la lame de son canif. Le dernier d’une collection qui n’en comptait pas moins d’une bonne douzaine ! Un bruit lancinant qui se mit à troubler de façon indécente le pesant silence régnant. Je n’aimais guère cela, considérant qu’il s’agissait là d’une sorte d’arrogant défit lancé aux éléments pleinement assoupis.
Tandis que lui, toujours aussi désinvolte, sifflotait et frottait, frottait encore, arrosant de gros crachats blancs le ciment lisse du coin de muret qui lui servait de pierre d’affûtage. Un bruit si gênant que je ne pus me retenir plus longtemps de lui dire, sans ménagement cette fois:
« Bon sang ! Vas-tu bientôt cesser ce vacarme du diable ? On n’entend que toi à cent lieues à la ronde! »
Cette soudaine réaction surprit fortement mon compagnon qui se fâcha :
-Mais qu’est-ce qui te prend de me parler comme tu le fais ? » S’insurgea-t-il tout rouge de colère. Tenant néanmoins à me démontrer qu’il n’avait rien à faire de mon accès d’humeur, il ne met que plus d’ardeur à frotter la lame sur le muret. Les choses menaçaient alors de tourner au vinaigre quand… venant du large, un martèlement sourd de sabots sur le macadam met un terme à ce début de querelle. Intrigués, nous voilà tous deux nous glissant discrètement jusque dans le creux d’un épais buisson. Le seul vestige qui subsistait d’une haie plantée jadis en bordure de la route. Parfaitement dissimulés nous n’avons aucun mal à observer ce qui se passe.
« Merde! Laisse alors tomber le jeune Labersat… le pauvre bougre ! Ils l’ont arrêté et ils l’emmènent ! »
C’était bien cela : Deux gendarmes en selle, encadraient un homme à vélo. Les craquements de pédales et les grincements de la chaîne trahissaient du plus loin celui qu’on était allé chercher jusque chez lui.
Brave Pédro ! Tête baissée, il pédalait entre les chevaux avec une tristesse et une résignation bouleversantes, pendant que, secoués sur leurs selles les deux hommes en uniformes discutaient tranquillement.
Tout devenait clair, Pédro ne pouvait jouir plus longtemps de la mesure de faveur qu’il s’était vu consentir de par la seule initiative des représentants de l’ordre locaux. A son tour conduit vers ce camp de concentration, il allait comme tant d’autres être mis hors de possibilité de nuire.
« Merde ! » Continuait de chuchoter mon compagnon saisi autant que je l’étais de compassion.
Les yeux écarquillés et la poitrine battante nous regardâmes le convoi nous passer presque au ras du visage.
Chose surprenante cependant de par ce qu’elle revêtait d’inhabituel, c’est comme hypnotisé et ne cessant de s’attrister, que mon copain d’ordinaire d’une froideur révoltante devant le malheur des autres, ne parvenait cette fois à détacher son regard de la scène. Une constatation si inattendue qu’elle eut pour effet de me remettre en mémoire les paroles maintes fois prononcées par monsieur Leliac, l’ancien Directeur de l’établissement scolaire.
« Bah ! A quelque chose malheur est bon !» avait-il par habitude de marmonner, en guise d’aveu de son incapacité à venir à bout d’une situation embarrassante.
En l’occurrence, le bien triste spectacle que nous vivions mettait au jour de manière tout à fait fortuite l’un des bons côtés du garçon lequel jusque là n’avait jamais montré qu’indifférence aux souffrances des gens de notre entourage. Sur son visage se lisait en ces instants comme à livre ouvert l’immense désolation qui le fascinait au point de ne lui tirer que les mêmes paroles :
« Le pauvre bougre…ils l’emmènent ! »
Un sentiment d’une sincérité telle que j’en restais interdit et sans voix. Preuve s’il en était que, pas moins qu’un autre, ce camarade se trouvait doté des mêmes sensibilités qui se rencontraient chez tout gamin de notre âge. J’avais là une preuve quasi formelle de son émotivité. Combien d’autres sentiments devait-il s’interdire aussi de laisser paraître, choisissant de passer pour plus mauvais qu’il n’était. Une révélation si réconfortante, qu’elle en arrivait à dédramatiser chez moi l’horreur du déchirant spectacle de l’homme qui se laissant si docilement conduire vers l’enfer d’un internement entre des barbelés et sous la surveillance de gardes juchés aux sommets de miradors ! »
Toujours silencieux et fondus dans le feuillage tout amolli et empoussiéré, nous étions tous deux là, immobiles en observateurs discrets et secrets. Que d’images se mirent alors à s’entrechoquer dans mon crâne. Celle de cet homme qui, peu de temps avant m’avait, comme à son habitude, montré l’un des fruits mûr suspendu à sa tige, m’invitant à en déguster toute la saveur. Celle de ce même homme qui, au tout début de sa venue ne pouvait s’exprimer que par toute une suite de mots écorchés appuyés de gestes et d’onomatopées. C’était ce même homme qui à cette heure se voyait relégué au ban de notre société, à l’égal d’un dangereux ennemi.
Je vivais là tout un tas de paradoxes. Et alors que tombait le masque derrière lequel mon compagnon s’était de tous temps appliqué à dissimuler tant de noblesses d’âme, et alors que je me prenais à remercier le Ciel pour avoir laissé éclore au grand jour tant de véritables trésors de bonté devant nous, se déroulait un drame auquel aucun autre habitant du village ne prenait part.
Arrivé à hauteur de l’épicerie le convoi entend marquer une pause. Pédro descend de son vélo, lève les yeux vers le plus gradé des gendarmes et supplie dans son inimitable charabia:
« Por favor Chef ! Permission’ por ach’ti on’camen’bir y on’ litro d’el bino. C’y por el trajet ! ».
-Cinq minutes, pas plus! Lui répond le chef d’un ton assez tranchant : ajoutant : nous ne pouvons nous permettre de nous attarder. Il y a du chemin à parcourir et il nous faut à tout prix atteindre le camp avant la nuit ! »
Pédro qui n’avait sans doute pas compris grand-chose de ce discours, appuie délicatement son vélo contre le mur, à l’entrée même de notre épicerie. Jetant un regard un peu hagard par ci par là, il pénètre. Sans mettre pied à terre,les deux gendarmes s’engouffrent de leur côté dans l’enceinte de la brigade. Ruisselants de transpiration, ils ont sans doute grand besoin de se désaltérer. Peut être aussi leur fallait-il laisser leurs montures s’abreuver avant que d’entreprendre le reste du chemin.
C’est à nouveau le grand silence. La vision d’un aussi lamentable spectacle me garde prostré incapable de me mouvoir ni même de réfléchir. Me forçant néanmoins à retourner sous les planches du vieux hangar pour m’y terrer, m’assurant préalablement que rien ni personne ne bouge de nul côté, je recule à quatre pattes avant de courir pour vite me dissimuler dans le recoin le plus obscur. Apparemment animé d’une même envie de ne plus rien voir ni rien savoir des suites de la pitoyable scène, mon copain quitte à son tour son refuge.
Mais alors que je m’attends à le voir se précipiter pour venir se blottir tout à mon côté, souple et preste à l’instar d’une belette, se faufilant, il va droit vers l’entrée du magasin. Arrivé là, sans l’ombre d’une hésitation, son canif grand ouvert en main, il passe la lame toute luisante sur le pneu arrière du vélo. L’espace d’une fraction de seconde et : Pfft ! La roue se retrouve toute aplatie. Deux autres bonds suffisent à l’amener derrière les quelques planches disloquées de la baraque là même où je me trouvais.
Les yeux m’en sortent des orbites. Pétrifié, me disant que pareil ignominie ne pouvait relever que de l’effet d’une hallucination, je reste là,un instant interdit. Sorti cependant rapidement de cette torpeur durant laquelle j’avais été incapable de discerner le vrai du faux dans ce qui venait de se dérouler sous mes propres yeux, je réalise néanmoins que le vélo est bel et bien appuyé contre le mur, sa roue arrière toute écrasée sur le sol, telle une nature vivante, blessée, souffrante, mais n’acceptant pas de se laisser choir de tout son long à terre. De même que je prenais conscience que ce dont je venais d’être témoins ne relevait ni plus ni moins que d’un acte d’une monstruosité tout à fait inexplicable, qui plus est, commis par le plus fourbe, le plus faux jeton et le plus sinistre imbécile qui se tenait près de moi.
Tandis que je restais là me retenant de lui lancer tout un chapelet d’insultes qui me brûlaient les lèvres mais qui en de pareils instants de stupeur demeuraient toujours accrochées à ma langue, lui encore tout essoufflé ne cessait de s’égayer devant sa propre audace autant que de sa vivacité, peut être même de sa pleinement satisfaction d’avoir pu assouvir un vil instinct xénophobe sommeillant. Se prenant tout de même à me dévisager, il s’étonne devant mes traits défaits :
« Eh bien quoi? Il fallait bien queje l’essaie! Bafouille-t-il, le regard un peu fuyant ! Je ne me suis tout de même pas donné tout ce mal pour ne jamais m’enservir! Autant qu’il ait fait ses preuves sur le bien d’un étranger! D’ailleurs on ne le reverra plus jamais, celui- là ! Ne t’inquiète donc pas comme ça, là bas ils vont sûrement lui faire son compte à la première tentative d’évasion! »
Je ne supportais plus de me trouver en contacte avec un semblable monstre. A deux doigts d’exploser et de lui aplatir le nez de mon poing déjà serré, tout en lui criant ses quatre vérités, en lui disant qu’il ne me faisait rien moins qu’horreur, que j’en avait plein le dos de le voir collé à mes basques, que tout le monde à la maison en avait marre d’avoir à subir en permanence sa sale gueule, de le voir agrippé à nous telle une verrue, je me retiens pourtant, réalisant soudain que tous deux étions dans la classe de son père, que ce deviendrait un enfer si je passais à exécution. Quand à nouveau :«.Chut ! Les voilà me souffle l’énergumène », l’indexe sur les lèvres.
Pédro réapparaissait en effet sur le pas de l’entrée de l’épicerie en même temps que les gendarmes ressortaient du casernement. Toujours en selle, on les devinait tout disposés à renouer la discussion interrompue l’instant d’avant. N’ayant rien remarqué d’anormal, Pédro lui, se penche sur son vélo, commence à ranger ses maigres provisions dans les sacoches qui pendaient de chaque côté de la roue arrière.
Mais le voilà qui se redresse brusquement. L’énorme plaie béante du pneu venait tout soudainement de lui sauter aux yeux. Découvrant là toutes les marques d’un relent haineux, celles d’une lâche volonté de nuire, d’une totale absence de compassion devant son infortune, il ne peut contenir les deux grosses larmes qui se mettent à perler le long de ses joues jusqu’à aller se perdre dans la pilosité d’une barbe de quelques jours.
Que de désillusions dans ce regard perdu ! Lui qui s’était employé sans compter à conquérir le coeur des gens! Lui qui avait fini par se persuader que tout comme un autre, il méritait sa place ici, au sein de ce village ! Lui enfin qui avait cru que seule une très heureuse providence avait guidé ses pas jusqu’ici, dans ce coin du monde qu’il disait béni du Ciel.
Vainement, il essaie de comprendre quelle était sa faute? Quelle raison avait pu conduire l’un des habitants à faire montre d’une aussi brutale antipathie, quelle dose de ressentiment avait pu conduire cette main cruelle la conduisant à commettre pareille abjection ?
Le pauvre homme lève de grands yeux attristés vers les deux gendarmes. Très surpris, eux–mêmes s’interrogent avecdes airs assez manifestement désolés. Mais le temps presse et Pédro ne dispose d’aucun moyen qui permette de réparer la roue:
« Personne n’acceptera de lui prêter un vélo, sachant qu’il lui appartiendrait d’aller lui-même en reprendre possession au camp ! Fait remarquer le Chef à son subalterne, ajoutant : Nousn’avons donc guère d’autre choix que de nous mettre en route au plus vite ! ».
Le pauvre bougre comprend alors qu’il ne lui reste qu’à rassembler les quelques provisions dans sa vieille musette rapiécée. Sondant désespérément les environs avec le naïf espoir de découvrir il ne sait trop quelle miraculeuse assistance : un signe, un regard, qui saurait dire encore… un simple geste providentiel secourable, celui du prêt d’un vieux vélo rouillé, d’une simple roue, d’un simple nécessaire qui permette une rapide réparation? Mais c’est vain. Il fait chaud, abominablement chaud. A cette heure de canicule, portes et volets se tenaient toujours fermés.
Nul ne se doutait du drame, nul ne pouvait non plus percevoir les regards suppliants du malheureux. Comprenant qu’il n’y a plus rien à attendre de personne, abattu, résigné, du revers de l’une de ses manches Pédro essuie ses yeux tout embués. Ajustant sa musette en bandoulière, il se baisse, resserre les lacets de ses espadrilles, jette un dernier regard sur la vieille bécane qu’il doit se résoudre à abandonner contre le mur et s’en va, trottinant entre les deux chevaux.
Sur le point d’amorcer le tournant raide de l’une des extrémités du village, là où un haut rideau d’arbres est sur le point de dissimuler le plus vaste du panorama de l’agglomération, il se retourne. Sans ralentir son trot, il jette un ultime regard en direction des jardins, ces lieux paradisiaques que la providence lui avait fait découvrir, ces lieux dont il avait pris possession, ces lieux qui étaient en partie devenus son domaine. Un paradis terrestre que les ronces, les racines, les broussailles, les rongeurs et autres envahisseurs n’allaient plus tarder à reconquérir, jusqu’à s’en rendre tout à fait maîtres.
Tout près de moi, un gredin continuait de pouffer bêtement alors que, la gorge douloureusement nouée je me retenais de sangloter pour ne point voir sa mine se réjouir davantage.
Pour ne rien changer au classique des dimanches de messes, débarqué de sa paroisse d’attache, monsieur le curé conclura une fois de plus son prêche avec la même coutumière solennité :
« Et maintenant mes chers frères, clamera-t-il, se grisant d’emphases et se donnant des airs transportés, rendons grâce au Seigneur. Rendons lui grâce surtout des bienfaits et de tous les bonheurs dont l’ensemble des habitants de ce si plaisant village bénéficie à longueur d’années. De même sachons accepter les épreuves salutaires que ce même Seigneur se doit parfois d’imposer à certains. N’ayons donc crainte de lui demander du secours en nos instants de désarrois ; ayons foi en sa bonté. Car… mes très chers frères! Sachons que le démon est partout présent, prêt à agir, ici, là, en tous endroits où on s’attend le moins de le rencontrer! Je vous le dis et vous le répète, mes chers frères, malheur à qui fomente le mal. Malheur aussi à qui se réjouit du mal qui frappe son prochain! Malheureux celui qui, ne sachant pardonner, rendra un mal par un autre mal! Amen !
Après un court silence il réitèrera ce qui depuis l’ouverture des hostilités ponctue chaque fin d’office :
« Mes chers frères, dira-t-il, avant de nous quitter, tous ensemble, implorons Sainte Jeanne d’Arc. Demandons lui de secourir notre France.»
Et pour ne rien varier non plus, sur l’un des derniers bancs tout au fond de l’église, désabusé, indifférent à ce qui se dit et se déroule du côté de l’autel, un jeune garçon dont je crois fermement qu’il est bel et bien possédé du diable, continuera de promener distraitement son regard d’une statue à l’autre, d’une icône à une autre, pressé qu’il se sentira de quitter cette maison de Dieu. Soupirant encore une fois d’exaspération dès sa sortie:
« Je me demande bien ce qu’on vient fiche ici ? Ce sont toujours les mêmes rengaines ressassées par les mêmes curés sans qu’il ne se passe jamais rien de nouveau! Rien en tout cas qui m’empêche de bâiller cent fois tout au long de l’office ! Il y a pourtant quantité de choses bien plus intéressantes à faire au grand air ! Le Seigneur se réjouit-il tant que ça de nous voir enfermés dans cette cabane de bois pour la seule raison qu’elle est surmontée d’une croix ? ».
Cent fois déjà il m’avait répété ces mots tout en faisant sonner quelques monnaies dans l’une des poches de son pantalon. Parce que le petit gredin ne négligeait pas non plus de procéder à un tri parmi les menues pièces que sa mère lui glissait dans la main les matins de messe. Selon leurs valeurs, il prenait soin de placer partie dans la poche droite, les autres dans la poche gauche. Ce faisant, il ne manquait non plus de faire sonner le plus fort possible celles dont il voulait se débarrasser les jetant sans l’ombre d’une discrétion dans la corbeille au moment de la quête.
Qu’elle sanction du Ciel pouvait-il craindre? Chaque matin à son réveil ses propres parents ne lui accordaient-ils pas le même Bon Dieu sans confession? Pour s’en convaincre, il n’était qu’à observer le regard du père et celui de la mère se poser sur leur progéniture.
Mais qu’importait tout ceci puisque nous-mêmes nous apprêtions à quitter le village pour un nouveau destin. Trois années seulement venaient de s’écouler depuis notre venue dans ce monde aussi bizarre qu’attachant.
Une place de gérant venait de se libérer dans une exploitation agricole. Sans trop y croire papa s’était tout de même saisi du téléphone pour faire acte de candidature. Une voix féminine, probablement celle de la propriétaire, accéda aussitôt à l’offre de services. Rendez-vous fut par conséquent fixé de sorte d’arrêter les conditions d’embauche.
L’exploitation en question, du nom fort évocateur, s’agissant du « Domaine des Lilas », se situait dans une région relativement éloignée du village que nous quittions. Il nous fallait donc nous résigner à devoir tirer un trait définitif sur l’existence semi citadine à laquelle nous les enfants avions goûtée avec un si grand bonheur.
Ainsi, par un matin d’automne, à nouveau blottis à l’arrière d’une camionnette entre meubles, caisses, casseroles et tout un fouillis d’objets, mon frère aîné, ma soeur cadette et moi-même, nous apprêtions pour une énième fois à nous laisser secouer tout au long d’un trajet qui allait nous mener on ne savait trop en quelle nouvelle destination.
C’était jour d’école. Seul un copain, le plus fidèle d’entre tous, fils des Raigac, s’était arrangé, je ne saurais dire par quelle ruse, à ne pas se rendre en classe. Sans doute ne voulait-il en aucune manière manquer de nous faire des adieux. Peut être aussi prenait-il plus que les autres conscience qu’une page se tournait pour lui comme pour nous. Il est vrai que notre venue avait radicalement revigoré une ambiance quelque peu affadie. La poignée de jeunes commençant à se ressentir d’ennui, notre renfort avait apporté du sang neuf, des idées neuves et pas mal de remue ménage. Et alors que le véhicule démarrait :
« Ne nous oubliez pas ! Vous reviendrez nous voir ! Promis ? Qu’est-ce qu’on va s’emmerder sans vous ! » Nous avait lancé ce copain qui cachait mal son envie de laisser couler quelques larmes.
Voilà les amies et amis. C’est un peu long. Mais il fallait bien que je fasse partager ce triste souvenir à quelqu’un. Et ce quelqu’un sera celle ou celui qui voudra bien prendre la peine de lire.
Hé bien voici la suite et la fin de l’histoire de cet homme. La longueur du texte pourra paraître assez rebutante, je le conçois, pour qui n’est pas particulièrement attiré par ce genre de récit.
Si l’on juge qu’il prend trop de place, André n’aura qu’à l’effacer quand bon lui semblera. (ça, certainement pas, LUCIEN...!!! on garde..!!!)
Et puis comme c’est le dernier effort que j’impose à ceux qui jusque là ont eu la patience d’aller jusqu’au bout des textes, j’ai cru bon d’y mettre le paquet cette fois.Bon courage donc
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L’histoire se passe dans les années 39/40.
C’était à n’y rien comprendre. Au tout début du déclenchement des hostilités, jamais tant confiants en l’efficacité de notre ligne Maginot, chaque adulte y allait de son ironie à l’endroit de l’apparente arrogance ennemi. L’on glosait même clamant: « Les Boches n’ont assurément rien retenu de la leçon qui leur a été infligée il y à tout juste deux décennies. C’est sûr, ils se casseront à nouveau les dents sur cette forteresse de béton. Il ne leur restera donc plus qu’à rebrousser piteusement chemin! »
Hélas, comme chacun le sait, le plus gros des affrontements ne s’étant pas produits là où l’on s’attendait, au fil des jours le conflit n’en finit plus de se généraliser pour finalement embraser l’Europe toute entière, menaçant même de s’étendre sur l’ensemble des continents.
Certes, de par sa position géographique notre pays se trouvait encore fort éloigné de cette conflagration et par là même des atrocités qui nous étaient rapportées dans leurs plus infimes détails par les quotidiens et les radios.
Quand bien même cette distance assez sécurisante, au village, le conflit n’en fut pas moins vite vécu au travers du désespoir d’épouses ou de mères brusquement séparées d’un être cher qu’on n’était plus du tout assuré de revoir. Et si au tout début des affrontements tout paraissait n’être que feu de paille, les envolées chauvines de commentateurs et d’éditorialistes ne mirent guère de temps à placer une sourdine à leurs tonitruants reportages.
Et tout le monde de se questionner sur nos armées : n’avaient-elles rien su anticiper ? Les diverses grandes manœuvres, ces simulacres de guerre qui avaient déplacé autant de soldats et de matériel, fait se déployer tant de compagnies, d’escadrons et d’escouades dans les pleines campagnes, n’avaient-elles eut pour objectif que de secouer un brin nos officiers sombrés dans des fonctions devenue par trop routinières, de leur faire respirer un autre air que celui des casernes ? Ces impressionnants déploiements n’avaient-ils été que saints divertissements ?
Certains soirs, après souper, avides de nouvelles, il nous arrivait de répondre à une invitation des Raigac, probablement les seuls au village à posséder un poste de radio. N’y étaient malheureusement diffusés que communiqués tout à fait démoralisants. Au tout début, je mettais un point d’honneur à rester là, tout près de l’appareil, cherchant à comprendre ce qui se disait. Mais à la longue, ce devenait lassant que d’entendre souffler ces chauds et ces froids qui n’aboutissaient jamais qu’aux mêmes consternantes conclusions de reculs quand ce n’était de pures et simples capitulations de l’une ou l’autre de nos troupes.
Et puis, d’observer ces adultes, tous muets comme des carpes, l’oreille plus ou moins collée contre le haut parleur, ne sachant plus communiquer que par des grimaces ou des hochements de tête tour à tour approbateurs, dubitatifs ou désapprobateurs, cela non plus n’avait rien de très passionnant. En raison de quoi, je décidai de délaisser une fois pour toutes, les longs et consternants bavardages qui continuaient de filtrer au travers de la belle toile dorée de la T-S-f., comme on l’appelait alors.
Vraisemblablement plus insouciants des drames qui se déroulaient en aussi lointains territoires, mes copains eux, ne s’étaient aucunement privés des jeux du soir, les ultimes défoulements qui animaient bruyamment la place centrale jusqu’à une heure très tardive. Pensez donc au bonheur d’un garçon surgissant brusquement du noir dans le seul but de causer une véritable frayeur au sein d’un petit groupe de filles qui se racontaient ou se chuchotaient on ne savait quelles dernières confidences.
Leurs hurlements vous procuraient une sensation de bien être toute masculine qui vous faisait doublement apprécier d’être né dans un chou, plutôt que dans une rose.
Et lorsque l’heure venait de regagner la maison, quelle tristesse encore que de voir nos mères et nos pères se séparer sur une poignée de mains de veillée de mort. Nulle besoin d’explications pour comprendre que sur les différents fronts, la situation n’allait qu’empirant sans nul espoir d’un ressaisissement de nos forces.
Comble d’effarement, voici que l’Italie et l’Espagne font alliance avec la puissance qui depuis le tout début des hostilités mène le jeu tout à sa guise: Je parle de l’Allemagne, comme chacun l’aura compris.
Des traités qui au village comme partout ailleurs, ne sont pas sans éveiller quelques légitimes méfiances à l’endroit des émigrés originaires de ces nations. Quoi que, établis dans le pays depuis belle lurette, ces gens n’en soulèvent pas moins quelques prudences. On se prend donc à observer chacun de leurs mouvements, à épier de plus près ceux chez qui l’on décèle, à tort ou à raison, quelque conduite bien étrange. L’on va jusqu’à soupçonner de possibles infiltrations dans un quelconque réseaux d’espionnage. L’on va même jusqu’à remarquer chez certains tout le profil de « combattants de l’ombre» tels qu’on se les représentait. Et combien d’autres perfidies.
Quand bien même la plupart si ce n’est l’ensemble de ces individus n’approuvait en rien ces alliances. Mais là encore, pouvait-on se fier aveuglément à de tels jugements chuchotés la plupart du temps en toute confidence? La pleine innocence de ces personnes ne pouvant bien évidemment être établie qu’avec bien des réserves, il convenait donc de parer toute éventualité d’agissement malveillant, celui d’un sabotage, celui d’une non moins sournoises collaborations.
En un mot disant, prévenir toute félonie qui sans feu ni fumée n’en serait pas moins en intelligence avec l’ennemi? Ces choses ne relèvent pas que de la seule créativité cinématographique, celles d’auteurs à l’imagination féconde! Par mesure préventive, toutes ces catégories de personnes se devaient par conséquent être mises au plus vite hors d’état de nuire.
Allemands, Italiens, Espagnols et bien d’autres, traqués jusque dans les confins de bleds les plus reculés sont dès lors arrêtés, regroupés et conduits vers des lieux de concentrations établis en hâte.
L’un de ces camps se situait précisément à deux ou trois heures de marche, dans un village assez voisin du nôtre, disait-on.
Une mesure qui à priori ne souleva nulle désapprobation dans notre cité devenue soudainement tout aussi circonspecte que partout ailleurs.
Mais… tout même ! Etait-il vraiment indispensable d’en étendre l’application à un tas de braves gens dont on savait bien qu’ils ne nourrissaient que sentiments de gratitude à l’égard de ceux qui les côtoyaient journellement?
Etait-il bien nécessaire de faire subir une aussi rude et humiliante disgrace à notre brave Pédro dont la seule préoccupation consistait à honorer du mieux qu’il le pouvait ses engagements vis-à-vis de tous ceux qui lui avaient accordé leur pleine confiance?
Convenant pour leur part qu’il est des cas où l’on se doit de décrypter très attentivement certains textes fussent-ils officiels, d’en discerner la lettre de l’esprit, nos gendarmes ne trouvèrent quant à eux nul inconvénient à ce qu’un aussi honnête homme puisse continuer de vaquer librement. De même que prenant conscience de ce qu’en son absence personne n’aurait continué de fournir légumes, fruits et combien d’autres produits de consommation, on ne put que se réjouir d’une telle noble décision.
En temps de pénurie cette chose revêtait une importance primordiale. La plupart des adultes valides, chargés ou non de famille ayant rejoint le front, seuls demeuraient disponibles quelques hommes plus ou moins vaillants, souvent mobilisés sur place et tenus d’exercer une fonction sans qu’on ne puisse rien exiger d’autre de leur part.
« Ah! Nous l’aurions regretté notre brave Pédro si d’aventure il était venu à l’idée à nos gendarmes de nous en priver! » Clamait la plupart des foyers. En particulier dans les milieux les moins fortunés. Ceux-là ne pouvaient avoir recours comme bien d’autres au « marché noir » ce commerce parallèle qui n’avait point tardé à naître, à se développer jusqu’à atteindre un plein essor.
Plus pragmatiques, les fils Liron qui bénéficiaient d’un sursis depuis la mort du père, avaient habilement choisi d’établir des relations commerciales avec certains grossistes des deux villes encadrantes. Pédro restait donc celui sur qui 1’on pouvait le plus compter en toutes saisons et pour nombre de denrées de consommation. A ce point qu’à la tombée de la nuit, les bruyants grincements de chaîne de son vélo, résonnaient pareil à une sonnette semeuse d’abondances: Légumes, fruits, volailles, lapins oeufs, tout ce qui pouvait se présenter de première fraîcheur et à des prix purement bradés étaient livrés avec une même régularité doublée d’une permanente courtoisie.
Priorité restant de rigueur aux foyers dont on savait l’un des membres de la famille plongé dans l’enfer de l’un des fronts. L’on n’entendait et ne voyait d’ailleurs plus que lui, Pédro, sillonner de long en large le village dès la tombée du soir. D’une même allure sereine, il continua donc de circuler, de frapper discrètement à l’une ou l’autre des portes, apportant ainsi son soutien à tous ceux qui sollicitaient son aide. Recueillant à l’occasion les commandes, il n’hésitait pas non plus à rendre quelques menus services à l’un ou l’autre des plus vieux couples. Une manière comme une autre de témoigner de sa bonne foi et de sa plus parfaite neutralité au regard du conflit. Conscient de ce qu’il bénéficiait d’une mesure très exceptionnelle de liberté, il s’acquittait donc à sa manière de la bienveillance qu’on avait bien voulu lui accorder.
Pédro se gardait d’ailleurs bien d’émettre une moindre observation qui puisse concerner de près ou de loin l’actualité. Mieux encore, il se refermait comme une huître à un moindre propos relevant des événements. Ses achats par contre ne contribuaient en rien, loin s’en faut, à l’épanouissement du commerce local: Un fromage, une boîte de sardines ou de thon, un litre de vin rouge, son pain et son tabac, voilà à quelque chose près les seules dépenses qu’il s’autorisait. Le reste des denrées comestibles étant tout bonnement puisé dans sa propre production.
Un après midi de plein été, à l’heure où 1es ardeurs du soleil tenaient tout le monde calfeutré, ce diable de jeune Labersat, le fils du nouveau Directeur d’école, aussi présent et harcelant que le sont les mouches qui vous chatouillent le nez aux heures de sieste, ce démon de copain disais-je, qui avait pratiquement élu domicile chez nous, parvient une fois encore à bout de l’inertie que je m’efforçais de lui opposer depuis un bon moment. Transgressant donc l’interdiction qui nous était faite de sortir, nous nous éclipsons le plus subrepticement possible refermant la porte derrière nous sans un moindre bruit. Dehors, 1’air était celui d’une fournaise, tout juste irrespirable.
Nous étant précipités à l’ombre du vieil hangar désaffecté fait d’un assemblage de planches et de tôles, juste en bordure de la route qui traversait de part en part le village, un édifice qui n’en finissait pas de se dégrader et de défigurer outrageusement la place centrale, nous restons là, suffocants, accablés, tout amollis par la satanées canicule.
Pas âme qui vive à pareille heure de ce début d’après midi dardé des braises d’un soleil grimpé à son plein zénith. Partout portes et volets se tenaient hermétiquement clos. Une bien étrange impression que celle qui se dégageait ; une sensation de désertion déjà ancienne des lieux, celle angoissante d’une cité vidée pour une éternité de toute présence. Et comme voulant accentuer ce déprimant décor, d’instantanés tourbillons brûlants prenaient naissance ça ou là. Folâtrant de façon capricieuse, ils couraient, rejetant tout un mélange de feuilles sèches et de grains de sables aspirés avec rage tout au long de leurs trajectoires.
C’est dans un pareil oppressant climat que j’ose à peine glisser à l’oreille de mon compagnon :
« Entre nous, ton idée d’évasion n’a rien de géniale. Non seulement il y a ici beaucoup plus de mouches que nous en avions à l’intérieur mais on y transpire mille fois plus! »
Il aurait cependant fallu davantage que ce simple reproche pour ébranler l’obstination de celui qui ne trouve maintenant rien de mieux à faire que d’aiguiser la lame de son canif. Le dernier d’une collection qui n’en comptait pas moins d’une bonne douzaine ! Un bruit lancinant qui se mit à troubler de façon indécente le pesant silence régnant. Je n’aimais guère cela, considérant qu’il s’agissait là d’une sorte d’arrogant défit lancé aux éléments pleinement assoupis.
Tandis que lui, toujours aussi désinvolte, sifflotait et frottait, frottait encore, arrosant de gros crachats blancs le ciment lisse du coin de muret qui lui servait de pierre d’affûtage. Un bruit si gênant que je ne pus me retenir plus longtemps de lui dire, sans ménagement cette fois:
« Bon sang ! Vas-tu bientôt cesser ce vacarme du diable ? On n’entend que toi à cent lieues à la ronde! »
Cette soudaine réaction surprit fortement mon compagnon qui se fâcha :
-Mais qu’est-ce qui te prend de me parler comme tu le fais ? » S’insurgea-t-il tout rouge de colère. Tenant néanmoins à me démontrer qu’il n’avait rien à faire de mon accès d’humeur, il ne met que plus d’ardeur à frotter la lame sur le muret. Les choses menaçaient alors de tourner au vinaigre quand… venant du large, un martèlement sourd de sabots sur le macadam met un terme à ce début de querelle. Intrigués, nous voilà tous deux nous glissant discrètement jusque dans le creux d’un épais buisson. Le seul vestige qui subsistait d’une haie plantée jadis en bordure de la route. Parfaitement dissimulés nous n’avons aucun mal à observer ce qui se passe.
« Merde! Laisse alors tomber le jeune Labersat… le pauvre bougre ! Ils l’ont arrêté et ils l’emmènent ! »
C’était bien cela : Deux gendarmes en selle, encadraient un homme à vélo. Les craquements de pédales et les grincements de la chaîne trahissaient du plus loin celui qu’on était allé chercher jusque chez lui.
Brave Pédro ! Tête baissée, il pédalait entre les chevaux avec une tristesse et une résignation bouleversantes, pendant que, secoués sur leurs selles les deux hommes en uniformes discutaient tranquillement.
Tout devenait clair, Pédro ne pouvait jouir plus longtemps de la mesure de faveur qu’il s’était vu consentir de par la seule initiative des représentants de l’ordre locaux. A son tour conduit vers ce camp de concentration, il allait comme tant d’autres être mis hors de possibilité de nuire.
« Merde ! » Continuait de chuchoter mon compagnon saisi autant que je l’étais de compassion.
Les yeux écarquillés et la poitrine battante nous regardâmes le convoi nous passer presque au ras du visage.
Chose surprenante cependant de par ce qu’elle revêtait d’inhabituel, c’est comme hypnotisé et ne cessant de s’attrister, que mon copain d’ordinaire d’une froideur révoltante devant le malheur des autres, ne parvenait cette fois à détacher son regard de la scène. Une constatation si inattendue qu’elle eut pour effet de me remettre en mémoire les paroles maintes fois prononcées par monsieur Leliac, l’ancien Directeur de l’établissement scolaire.
« Bah ! A quelque chose malheur est bon !» avait-il par habitude de marmonner, en guise d’aveu de son incapacité à venir à bout d’une situation embarrassante.
En l’occurrence, le bien triste spectacle que nous vivions mettait au jour de manière tout à fait fortuite l’un des bons côtés du garçon lequel jusque là n’avait jamais montré qu’indifférence aux souffrances des gens de notre entourage. Sur son visage se lisait en ces instants comme à livre ouvert l’immense désolation qui le fascinait au point de ne lui tirer que les mêmes paroles :
« Le pauvre bougre…ils l’emmènent ! »
Un sentiment d’une sincérité telle que j’en restais interdit et sans voix. Preuve s’il en était que, pas moins qu’un autre, ce camarade se trouvait doté des mêmes sensibilités qui se rencontraient chez tout gamin de notre âge. J’avais là une preuve quasi formelle de son émotivité. Combien d’autres sentiments devait-il s’interdire aussi de laisser paraître, choisissant de passer pour plus mauvais qu’il n’était. Une révélation si réconfortante, qu’elle en arrivait à dédramatiser chez moi l’horreur du déchirant spectacle de l’homme qui se laissant si docilement conduire vers l’enfer d’un internement entre des barbelés et sous la surveillance de gardes juchés aux sommets de miradors ! »
Toujours silencieux et fondus dans le feuillage tout amolli et empoussiéré, nous étions tous deux là, immobiles en observateurs discrets et secrets. Que d’images se mirent alors à s’entrechoquer dans mon crâne. Celle de cet homme qui, peu de temps avant m’avait, comme à son habitude, montré l’un des fruits mûr suspendu à sa tige, m’invitant à en déguster toute la saveur. Celle de ce même homme qui, au tout début de sa venue ne pouvait s’exprimer que par toute une suite de mots écorchés appuyés de gestes et d’onomatopées. C’était ce même homme qui à cette heure se voyait relégué au ban de notre société, à l’égal d’un dangereux ennemi.
Je vivais là tout un tas de paradoxes. Et alors que tombait le masque derrière lequel mon compagnon s’était de tous temps appliqué à dissimuler tant de noblesses d’âme, et alors que je me prenais à remercier le Ciel pour avoir laissé éclore au grand jour tant de véritables trésors de bonté devant nous, se déroulait un drame auquel aucun autre habitant du village ne prenait part.
Arrivé à hauteur de l’épicerie le convoi entend marquer une pause. Pédro descend de son vélo, lève les yeux vers le plus gradé des gendarmes et supplie dans son inimitable charabia:
« Por favor Chef ! Permission’ por ach’ti on’camen’bir y on’ litro d’el bino. C’y por el trajet ! ».
-Cinq minutes, pas plus! Lui répond le chef d’un ton assez tranchant : ajoutant : nous ne pouvons nous permettre de nous attarder. Il y a du chemin à parcourir et il nous faut à tout prix atteindre le camp avant la nuit ! »
Pédro qui n’avait sans doute pas compris grand-chose de ce discours, appuie délicatement son vélo contre le mur, à l’entrée même de notre épicerie. Jetant un regard un peu hagard par ci par là, il pénètre. Sans mettre pied à terre,les deux gendarmes s’engouffrent de leur côté dans l’enceinte de la brigade. Ruisselants de transpiration, ils ont sans doute grand besoin de se désaltérer. Peut être aussi leur fallait-il laisser leurs montures s’abreuver avant que d’entreprendre le reste du chemin.
C’est à nouveau le grand silence. La vision d’un aussi lamentable spectacle me garde prostré incapable de me mouvoir ni même de réfléchir. Me forçant néanmoins à retourner sous les planches du vieux hangar pour m’y terrer, m’assurant préalablement que rien ni personne ne bouge de nul côté, je recule à quatre pattes avant de courir pour vite me dissimuler dans le recoin le plus obscur. Apparemment animé d’une même envie de ne plus rien voir ni rien savoir des suites de la pitoyable scène, mon copain quitte à son tour son refuge.
Mais alors que je m’attends à le voir se précipiter pour venir se blottir tout à mon côté, souple et preste à l’instar d’une belette, se faufilant, il va droit vers l’entrée du magasin. Arrivé là, sans l’ombre d’une hésitation, son canif grand ouvert en main, il passe la lame toute luisante sur le pneu arrière du vélo. L’espace d’une fraction de seconde et : Pfft ! La roue se retrouve toute aplatie. Deux autres bonds suffisent à l’amener derrière les quelques planches disloquées de la baraque là même où je me trouvais.
Les yeux m’en sortent des orbites. Pétrifié, me disant que pareil ignominie ne pouvait relever que de l’effet d’une hallucination, je reste là,un instant interdit. Sorti cependant rapidement de cette torpeur durant laquelle j’avais été incapable de discerner le vrai du faux dans ce qui venait de se dérouler sous mes propres yeux, je réalise néanmoins que le vélo est bel et bien appuyé contre le mur, sa roue arrière toute écrasée sur le sol, telle une nature vivante, blessée, souffrante, mais n’acceptant pas de se laisser choir de tout son long à terre. De même que je prenais conscience que ce dont je venais d’être témoins ne relevait ni plus ni moins que d’un acte d’une monstruosité tout à fait inexplicable, qui plus est, commis par le plus fourbe, le plus faux jeton et le plus sinistre imbécile qui se tenait près de moi.
Tandis que je restais là me retenant de lui lancer tout un chapelet d’insultes qui me brûlaient les lèvres mais qui en de pareils instants de stupeur demeuraient toujours accrochées à ma langue, lui encore tout essoufflé ne cessait de s’égayer devant sa propre audace autant que de sa vivacité, peut être même de sa pleinement satisfaction d’avoir pu assouvir un vil instinct xénophobe sommeillant. Se prenant tout de même à me dévisager, il s’étonne devant mes traits défaits :
« Eh bien quoi? Il fallait bien queje l’essaie! Bafouille-t-il, le regard un peu fuyant ! Je ne me suis tout de même pas donné tout ce mal pour ne jamais m’enservir! Autant qu’il ait fait ses preuves sur le bien d’un étranger! D’ailleurs on ne le reverra plus jamais, celui- là ! Ne t’inquiète donc pas comme ça, là bas ils vont sûrement lui faire son compte à la première tentative d’évasion! »
Je ne supportais plus de me trouver en contacte avec un semblable monstre. A deux doigts d’exploser et de lui aplatir le nez de mon poing déjà serré, tout en lui criant ses quatre vérités, en lui disant qu’il ne me faisait rien moins qu’horreur, que j’en avait plein le dos de le voir collé à mes basques, que tout le monde à la maison en avait marre d’avoir à subir en permanence sa sale gueule, de le voir agrippé à nous telle une verrue, je me retiens pourtant, réalisant soudain que tous deux étions dans la classe de son père, que ce deviendrait un enfer si je passais à exécution. Quand à nouveau :«.Chut ! Les voilà me souffle l’énergumène », l’indexe sur les lèvres.
Pédro réapparaissait en effet sur le pas de l’entrée de l’épicerie en même temps que les gendarmes ressortaient du casernement. Toujours en selle, on les devinait tout disposés à renouer la discussion interrompue l’instant d’avant. N’ayant rien remarqué d’anormal, Pédro lui, se penche sur son vélo, commence à ranger ses maigres provisions dans les sacoches qui pendaient de chaque côté de la roue arrière.
Mais le voilà qui se redresse brusquement. L’énorme plaie béante du pneu venait tout soudainement de lui sauter aux yeux. Découvrant là toutes les marques d’un relent haineux, celles d’une lâche volonté de nuire, d’une totale absence de compassion devant son infortune, il ne peut contenir les deux grosses larmes qui se mettent à perler le long de ses joues jusqu’à aller se perdre dans la pilosité d’une barbe de quelques jours.
Que de désillusions dans ce regard perdu ! Lui qui s’était employé sans compter à conquérir le coeur des gens! Lui qui avait fini par se persuader que tout comme un autre, il méritait sa place ici, au sein de ce village ! Lui enfin qui avait cru que seule une très heureuse providence avait guidé ses pas jusqu’ici, dans ce coin du monde qu’il disait béni du Ciel.
Vainement, il essaie de comprendre quelle était sa faute? Quelle raison avait pu conduire l’un des habitants à faire montre d’une aussi brutale antipathie, quelle dose de ressentiment avait pu conduire cette main cruelle la conduisant à commettre pareille abjection ?
Le pauvre homme lève de grands yeux attristés vers les deux gendarmes. Très surpris, eux–mêmes s’interrogent avecdes airs assez manifestement désolés. Mais le temps presse et Pédro ne dispose d’aucun moyen qui permette de réparer la roue:
« Personne n’acceptera de lui prêter un vélo, sachant qu’il lui appartiendrait d’aller lui-même en reprendre possession au camp ! Fait remarquer le Chef à son subalterne, ajoutant : Nousn’avons donc guère d’autre choix que de nous mettre en route au plus vite ! ».
Le pauvre bougre comprend alors qu’il ne lui reste qu’à rassembler les quelques provisions dans sa vieille musette rapiécée. Sondant désespérément les environs avec le naïf espoir de découvrir il ne sait trop quelle miraculeuse assistance : un signe, un regard, qui saurait dire encore… un simple geste providentiel secourable, celui du prêt d’un vieux vélo rouillé, d’une simple roue, d’un simple nécessaire qui permette une rapide réparation? Mais c’est vain. Il fait chaud, abominablement chaud. A cette heure de canicule, portes et volets se tenaient toujours fermés.
Nul ne se doutait du drame, nul ne pouvait non plus percevoir les regards suppliants du malheureux. Comprenant qu’il n’y a plus rien à attendre de personne, abattu, résigné, du revers de l’une de ses manches Pédro essuie ses yeux tout embués. Ajustant sa musette en bandoulière, il se baisse, resserre les lacets de ses espadrilles, jette un dernier regard sur la vieille bécane qu’il doit se résoudre à abandonner contre le mur et s’en va, trottinant entre les deux chevaux.
Sur le point d’amorcer le tournant raide de l’une des extrémités du village, là où un haut rideau d’arbres est sur le point de dissimuler le plus vaste du panorama de l’agglomération, il se retourne. Sans ralentir son trot, il jette un ultime regard en direction des jardins, ces lieux paradisiaques que la providence lui avait fait découvrir, ces lieux dont il avait pris possession, ces lieux qui étaient en partie devenus son domaine. Un paradis terrestre que les ronces, les racines, les broussailles, les rongeurs et autres envahisseurs n’allaient plus tarder à reconquérir, jusqu’à s’en rendre tout à fait maîtres.
Tout près de moi, un gredin continuait de pouffer bêtement alors que, la gorge douloureusement nouée je me retenais de sangloter pour ne point voir sa mine se réjouir davantage.
Pour ne rien changer au classique des dimanches de messes, débarqué de sa paroisse d’attache, monsieur le curé conclura une fois de plus son prêche avec la même coutumière solennité :
« Et maintenant mes chers frères, clamera-t-il, se grisant d’emphases et se donnant des airs transportés, rendons grâce au Seigneur. Rendons lui grâce surtout des bienfaits et de tous les bonheurs dont l’ensemble des habitants de ce si plaisant village bénéficie à longueur d’années. De même sachons accepter les épreuves salutaires que ce même Seigneur se doit parfois d’imposer à certains. N’ayons donc crainte de lui demander du secours en nos instants de désarrois ; ayons foi en sa bonté. Car… mes très chers frères! Sachons que le démon est partout présent, prêt à agir, ici, là, en tous endroits où on s’attend le moins de le rencontrer! Je vous le dis et vous le répète, mes chers frères, malheur à qui fomente le mal. Malheur aussi à qui se réjouit du mal qui frappe son prochain! Malheureux celui qui, ne sachant pardonner, rendra un mal par un autre mal! Amen !
Après un court silence il réitèrera ce qui depuis l’ouverture des hostilités ponctue chaque fin d’office :
« Mes chers frères, dira-t-il, avant de nous quitter, tous ensemble, implorons Sainte Jeanne d’Arc. Demandons lui de secourir notre France.»
Et pour ne rien varier non plus, sur l’un des derniers bancs tout au fond de l’église, désabusé, indifférent à ce qui se dit et se déroule du côté de l’autel, un jeune garçon dont je crois fermement qu’il est bel et bien possédé du diable, continuera de promener distraitement son regard d’une statue à l’autre, d’une icône à une autre, pressé qu’il se sentira de quitter cette maison de Dieu. Soupirant encore une fois d’exaspération dès sa sortie:
« Je me demande bien ce qu’on vient fiche ici ? Ce sont toujours les mêmes rengaines ressassées par les mêmes curés sans qu’il ne se passe jamais rien de nouveau! Rien en tout cas qui m’empêche de bâiller cent fois tout au long de l’office ! Il y a pourtant quantité de choses bien plus intéressantes à faire au grand air ! Le Seigneur se réjouit-il tant que ça de nous voir enfermés dans cette cabane de bois pour la seule raison qu’elle est surmontée d’une croix ? ».
Cent fois déjà il m’avait répété ces mots tout en faisant sonner quelques monnaies dans l’une des poches de son pantalon. Parce que le petit gredin ne négligeait pas non plus de procéder à un tri parmi les menues pièces que sa mère lui glissait dans la main les matins de messe. Selon leurs valeurs, il prenait soin de placer partie dans la poche droite, les autres dans la poche gauche. Ce faisant, il ne manquait non plus de faire sonner le plus fort possible celles dont il voulait se débarrasser les jetant sans l’ombre d’une discrétion dans la corbeille au moment de la quête.
Qu’elle sanction du Ciel pouvait-il craindre? Chaque matin à son réveil ses propres parents ne lui accordaient-ils pas le même Bon Dieu sans confession? Pour s’en convaincre, il n’était qu’à observer le regard du père et celui de la mère se poser sur leur progéniture.
Mais qu’importait tout ceci puisque nous-mêmes nous apprêtions à quitter le village pour un nouveau destin. Trois années seulement venaient de s’écouler depuis notre venue dans ce monde aussi bizarre qu’attachant.
Une place de gérant venait de se libérer dans une exploitation agricole. Sans trop y croire papa s’était tout de même saisi du téléphone pour faire acte de candidature. Une voix féminine, probablement celle de la propriétaire, accéda aussitôt à l’offre de services. Rendez-vous fut par conséquent fixé de sorte d’arrêter les conditions d’embauche.
L’exploitation en question, du nom fort évocateur, s’agissant du « Domaine des Lilas », se situait dans une région relativement éloignée du village que nous quittions. Il nous fallait donc nous résigner à devoir tirer un trait définitif sur l’existence semi citadine à laquelle nous les enfants avions goûtée avec un si grand bonheur.
Ainsi, par un matin d’automne, à nouveau blottis à l’arrière d’une camionnette entre meubles, caisses, casseroles et tout un fouillis d’objets, mon frère aîné, ma soeur cadette et moi-même, nous apprêtions pour une énième fois à nous laisser secouer tout au long d’un trajet qui allait nous mener on ne savait trop en quelle nouvelle destination.
C’était jour d’école. Seul un copain, le plus fidèle d’entre tous, fils des Raigac, s’était arrangé, je ne saurais dire par quelle ruse, à ne pas se rendre en classe. Sans doute ne voulait-il en aucune manière manquer de nous faire des adieux. Peut être aussi prenait-il plus que les autres conscience qu’une page se tournait pour lui comme pour nous. Il est vrai que notre venue avait radicalement revigoré une ambiance quelque peu affadie. La poignée de jeunes commençant à se ressentir d’ennui, notre renfort avait apporté du sang neuf, des idées neuves et pas mal de remue ménage. Et alors que le véhicule démarrait :
« Ne nous oubliez pas ! Vous reviendrez nous voir ! Promis ? Qu’est-ce qu’on va s’emmerder sans vous ! » Nous avait lancé ce copain qui cachait mal son envie de laisser couler quelques larmes.
Voilà les amies et amis. C’est un peu long. Mais il fallait bien que je fasse partager ce triste souvenir à quelqu’un. Et ce quelqu’un sera celle ou celui qui voudra bien prendre la peine de lire.
Lucien Calatayud- Messages : 5485
Date d'inscription : 22/10/2010
Age : 94
Localisation : Bouniagues (Dordogne)
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Bonjour - Alain - Merci pour ces si jolies photos de mariage ainsi que les photos de Ain Taoujdad. Je me rappelle tres peu de cet endroit et pourtant nous y allions assez souvent car il y avait des amis de mes parents et grand-pere qui avait fermes dans ce coin.
En tous les cas ca fait du bien de revoir comment se passait nos mariages a l'epoque. Et oui les pacs n'existaient pas Lucien et au fait j'ai pris la peine de lire ce souvenir de guerre et histoire de Pedro et on ne peut raconter cela en 4 lignes. Merci de nous le faire partager.
En tous les cas ca fait du bien de revoir comment se passait nos mariages a l'epoque. Et oui les pacs n'existaient pas Lucien et au fait j'ai pris la peine de lire ce souvenir de guerre et histoire de Pedro et on ne peut raconter cela en 4 lignes. Merci de nous le faire partager.
Ghislaine Jousse-Veale- Messages : 12842
Date d'inscription : 18/10/2010
Age : 84
Localisation : Vancouver, Colombie Britannique
mariage
ALAIN
bien typique de l'époque le mariage de ta soeur ! et les bagnoles également : les années 1950 non ?
bien typique de l'époque le mariage de ta soeur ! et les bagnoles également : les années 1950 non ?
JACQUELINE ROMERO- Messages : 745
Date d'inscription : 31/10/2010
Age : 86
Localisation : Saintes Charente Maritime 17100
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
COUCOU .....
LUCIEN MAIS COMMENT FAIS-TU POUR ECRIRE AUTANT ??? [/b[b]AVEC UNE TELLE AISANCE. ??
[b] FELICITATIONS .......
HUGUETTELUCIEN MAIS COMMENT FAIS-TU POUR ECRIRE AUTANT ??? [/b[b]AVEC UNE TELLE AISANCE. ??
[b] FELICITATIONS .......
HUGUETTE ROMERO- Messages : 3960
Date d'inscription : 27/10/2010
Age : 81
Localisation : PONTAULT COMBAULT 77
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
MERCI ALAIN POUR LES BELLES PHOTOS DE CE MARIAGE .......J'AIME BEAUCOUP.
ELLES REPRESENTENT BIEN CETTE EPOQUE !!!!!!!!! AU VU DES VOITURES ....
ANNEES 50 JE PENSE ?????? MEME... AVANT.
BIZZ....... HUGUETTE
ELLES REPRESENTENT BIEN CETTE EPOQUE !!!!!!!!! AU VU DES VOITURES ....
ANNEES 50 JE PENSE ?????? MEME... AVANT.
BIZZ....... HUGUETTE
HUGUETTE ROMERO- Messages : 3960
Date d'inscription : 27/10/2010
Age : 81
Localisation : PONTAULT COMBAULT 77
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Huguette
Contrairement à ce que tu crois, je n'écris pas du tout avec aisance. Je fais des phrases que je triture autant de fois que je les relis. Mais il faut bien m'en satisfaire après une ènieme correction. D'autre part mes mémoires sur ma vie au Maroc font l'objet de 6 tomes écrits depuis longtemps mais qui sont appelés à dormir dans un tiroir jusqu'à ce que...tu m'as sans doute compris. Mes proches en feront ce que bon leur semblera. J'ai bien essayé de les publier mais c'est la galère tant les auteurs restent soumis à tout un tas d'obligations. Et comme je ne suis plus d'âge à trop m'imposer de contraintes, alors!!!
Merci en tous cas pour tes appréciations.
Contrairement à ce que tu crois, je n'écris pas du tout avec aisance. Je fais des phrases que je triture autant de fois que je les relis. Mais il faut bien m'en satisfaire après une ènieme correction. D'autre part mes mémoires sur ma vie au Maroc font l'objet de 6 tomes écrits depuis longtemps mais qui sont appelés à dormir dans un tiroir jusqu'à ce que...tu m'as sans doute compris. Mes proches en feront ce que bon leur semblera. J'ai bien essayé de les publier mais c'est la galère tant les auteurs restent soumis à tout un tas d'obligations. Et comme je ne suis plus d'âge à trop m'imposer de contraintes, alors!!!
Merci en tous cas pour tes appréciations.
Lucien Calatayud- Messages : 5485
Date d'inscription : 22/10/2010
Age : 94
Localisation : Bouniagues (Dordogne)
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Alain - Cette photo de foot que tu as mis plus haut, ce Jean Darley, est-ce le mari de Luisa??
Lucien - Je n'ecris pas des tomes comme toi mais un manuscrit petit a petit pour mes petits enfants et en anglais car un d'eux ne comprend pas un mot de francais. Il commence en 1912 a l'arrivee au Maroc de mes grands-parents paternels et maternels jusqu'en 1965.
Je l'illustrerai de quelques photos bien sur. C'est eux qui me l'ont demande. Et avec ce manuscrit je mets dans CDs et cles USB des centaines de photos et cela X par 3. C'etait le projet que je m'etais donne a faire des ma retraite. C'est pas mal de travail et j'essaie de faire assez rapidement tout au moins pour le manuscrit car je questionne beaucoup mon pere mais a 94 ans..
Lucien - Je n'ecris pas des tomes comme toi mais un manuscrit petit a petit pour mes petits enfants et en anglais car un d'eux ne comprend pas un mot de francais. Il commence en 1912 a l'arrivee au Maroc de mes grands-parents paternels et maternels jusqu'en 1965.
Je l'illustrerai de quelques photos bien sur. C'est eux qui me l'ont demande. Et avec ce manuscrit je mets dans CDs et cles USB des centaines de photos et cela X par 3. C'etait le projet que je m'etais donne a faire des ma retraite. C'est pas mal de travail et j'essaie de faire assez rapidement tout au moins pour le manuscrit car je questionne beaucoup mon pere mais a 94 ans..
Ghislaine Jousse-Veale- Messages : 12842
Date d'inscription : 18/10/2010
Age : 84
Localisation : Vancouver, Colombie Britannique
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
GHISLAINE
Oui, JEAN est bien le mari de LUISA. Lui et sa famille sont d'Ain-Taoujdate. Je connais LUISA également. Tous les deux sont d'ailleurs venus chez moi à Châlons-en-Champagne. Ils sont très sympathiques tous les deux.
Oui, JEAN est bien le mari de LUISA. Lui et sa famille sont d'Ain-Taoujdate. Je connais LUISA également. Tous les deux sont d'ailleurs venus chez moi à Châlons-en-Champagne. Ils sont très sympathiques tous les deux.
Grostefan Alain- Messages : 14146
Date d'inscription : 03/11/2010
Age : 87
Localisation : Talence 33400
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Bonjour Alain - Ce sont des amis a mon pere et sa femme Jocelyne. Ma petite soeur Sylvie est allee a l'ecole a Meknes avec leur fille dans les annees 70. J'ai Luisa au telephone de temps en temps. Femme tres sympa.
Ghislaine Jousse-Veale- Messages : 12842
Date d'inscription : 18/10/2010
Age : 84
Localisation : Vancouver, Colombie Britannique
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
LUC YVON ou LUCIEN....,
Hors de question de supprimer quoi que ce soit de ton texte, encore une fois, joliment écrit et bien amené...
ALAIN...,
J'aime ces photos, témoins d'un passé que l'on croit si loin... Au fait, jeune, tu ressemblais à ton père...!!!
Hors de question de supprimer quoi que ce soit de ton texte, encore une fois, joliment écrit et bien amené...
ALAIN...,
J'aime ces photos, témoins d'un passé que l'on croit si loin... Au fait, jeune, tu ressemblais à ton père...!!!
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Amicalement - André LANGLOIS
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Ghislaine
Voilà par quelle pensée je débute le premier tome de mes mémoires:
"Si pénible puisse-t-elle se révéler, nulle vérité ne devrait s'éteindre avec soi. Ne point vouloir laisser témoignage de son propre passé constitue à mon sens un acte tous aussi blâmable que de priver délibérément les siens de l'un de ses biens les plus précieux".
Ca vaut ce que ça vaut mais c'est mon sentiment.
Voilà Ghislaine. Je ne peux donc que vivement t'encourager à laisser trace de ce dont tu te souviens ou de ce que tes propres parents t'ont appris.
Voilà par quelle pensée je débute le premier tome de mes mémoires:
"Si pénible puisse-t-elle se révéler, nulle vérité ne devrait s'éteindre avec soi. Ne point vouloir laisser témoignage de son propre passé constitue à mon sens un acte tous aussi blâmable que de priver délibérément les siens de l'un de ses biens les plus précieux".
Ca vaut ce que ça vaut mais c'est mon sentiment.
Voilà Ghislaine. Je ne peux donc que vivement t'encourager à laisser trace de ce dont tu te souviens ou de ce que tes propres parents t'ont appris.
Lucien Calatayud- Messages : 5485
Date d'inscription : 22/10/2010
Age : 94
Localisation : Bouniagues (Dordogne)
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Sacré LUCIEN,
En voilà de très belles paroles et je profite de l'opportunuité que m'offre LUCIEN et qui va dans les sens de sa réfléxion...
Bon nombre d’entre nous devrait s’en inspirer et prendre conscience du bien fondé de notre Forum. Personnellement, je les interprète de cette façon… :
Elles sont le leitmotiv que nous devrions nous imposer car c’est le thème principal qui donne vie à notre site et dévoile la vie simple et parfois dure de nos aïeux…
Se révéler sans pour autant se dénuder, se raconter pour enrichir l’histoire de notre parcours, laisser un témoignage comme tu le dis si bien, en lui imprimant plus de caractère humain que les rapports techniques et froids de nos historiens, inspirés quelquefois des reportages des médias, les « voyageurs », les correspondants de notre époque, plus à recherche de l’exotisme que la réalité des faits sur le terrain.
Nous sommes là pour mettre en exergue notre passé, pour en laisser des traces personnelles, pour nos enfants, pour informer aussi ceux qui n’ont daigné prendre connaissance de ce remue-ménage outre mer.
C’est pour cette raison que je ne comprends toujours pas certains silences de la part de nos adhérents, amis d’enfance, qui passent dans notre forum commun, s’en vont, et se taisent sans le moindre salut.
Ca vaut ce que ça vaut… !!! mais je l’ai dit, avec seulement du regret dans la voix et, malgré tout, en leur conservant toujours mon amitié fraternelle…
En voilà de très belles paroles et je profite de l'opportunuité que m'offre LUCIEN et qui va dans les sens de sa réfléxion...
Bon nombre d’entre nous devrait s’en inspirer et prendre conscience du bien fondé de notre Forum. Personnellement, je les interprète de cette façon… :
Elles sont le leitmotiv que nous devrions nous imposer car c’est le thème principal qui donne vie à notre site et dévoile la vie simple et parfois dure de nos aïeux…
Se révéler sans pour autant se dénuder, se raconter pour enrichir l’histoire de notre parcours, laisser un témoignage comme tu le dis si bien, en lui imprimant plus de caractère humain que les rapports techniques et froids de nos historiens, inspirés quelquefois des reportages des médias, les « voyageurs », les correspondants de notre époque, plus à recherche de l’exotisme que la réalité des faits sur le terrain.
Nous sommes là pour mettre en exergue notre passé, pour en laisser des traces personnelles, pour nos enfants, pour informer aussi ceux qui n’ont daigné prendre connaissance de ce remue-ménage outre mer.
C’est pour cette raison que je ne comprends toujours pas certains silences de la part de nos adhérents, amis d’enfance, qui passent dans notre forum commun, s’en vont, et se taisent sans le moindre salut.
Ca vaut ce que ça vaut… !!! mais je l’ai dit, avec seulement du regret dans la voix et, malgré tout, en leur conservant toujours mon amitié fraternelle…
Dernière édition par Admin le Sam 30 Juin - 18:31, édité 1 fois
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Amicalement - André Langlois (Jimmy)
la tireuse de cartes
salut René j'ai bien connu cette originale qui trainait dans Meknès !! elle était très rigolote.René Hermitte a écrit:Lucien, Ghislaine, Alain
Bien que nous nous trouvions à Ain Taoujdate c'était un peu comme la Mademoiselle Rose ( Vincigera) avec ses chapeaux et ses robes de toutes les couleurs qui tirait les cartes dans les rues et sur l'avenue, à moins que ce ne soit elle - même ? Manaarf ! ...
J'ai lu quelque part que tu connais l'Ourthagh ... comment se fait il ?? moi j'ai vécu à L'Ourzagh depuis Février 1960 à Septembre 1962 ... je vous ai connu ta famille et toi, en 62 en arrivant à Meknès ...explique moi cet Ourthagh ... Merci et.... bonjour à tous , Ghilaine by by, Alain je vais à Llança dernière semaine de Juillet.
luisa manzoni- Messages : 3
Date d'inscription : 20/06/2011
Age : 86
Localisation : La Penne sur Huveaune france
ECOLE D AIN TAOUJDAT
alain , Lucien, beaucoup de nom cités me furent familiers. Je commence à comprendre et relier certaines personnes.
Me perdant dans les "Aïn", est dans cette école qu'a exercé Monsieur SOUMAGNE ? Merci.
Me perdant dans les "Aïn", est dans cette école qu'a exercé Monsieur SOUMAGNE ? Merci.
Crémault Marie Joëlle- Messages : 482
Date d'inscription : 27/10/2010
Age : 76
Re: Mémoires du "bled" durant le Protectorat
Bonjour - Lucien - Merci pour tes encouragements. Et trace je laisserai! Je n'ai rien a cacher et j'ai eu une bonne vie au Maroc et je tiens a ce que mes petits enfants le sache - Andre - Moi non plus je ne comprends pas - Luisa - Buona giornata e so che si vuole vincere la partita ha Kiev...
Ghislaine Jousse-Veale- Messages : 12842
Date d'inscription : 18/10/2010
Age : 84
Localisation : Vancouver, Colombie Britannique
squadra azzurra
Ghislaine merci , et je dirais : Forza Italia .Ghislaine Jousse-Veale a écrit:Bonjour - Lucien - Merci pour tes encouragements. Et trace je laisserai! Je n'ai rien a cacher et j'ai eu une bonne vie au Maroc et je tiens a ce que mes petits enfants le sache - Andre - Moi non plus je ne comprends pas - Luisa - Buona giornata e so che si vuole vincere la partita ha Kiev...
Aussi dans les épisodes du "village" nous avons bien reconnu Aïn Taoujdate et le directeur de l'école M. Sanson qui en France habitait à Agen et était voisin des parents Darley.
En 2006 un groupe d'élèves a fait un voyage "pèlerinage" à l'école d' A.T. où ils ont retrouvé l'école telle quelle et très bien entretenue, les mêmes petits bureaux en bois , etc...
l'école s'appelle maintenant " Ecole de Ali Bnou Abi Taleb ".
Le groupe a été reçu royalement, comme savent faire les Marocains !! et inutile de vous dire l'émotion de tous !
Bonne journée
luisa manzoni- Messages : 3
Date d'inscription : 20/06/2011
Age : 86
Localisation : La Penne sur Huveaune france
L'Ourtzagh
Salut Luisa
C'est avec plaisir que je te réponds au sujet de ce petit village du Rif que j'ai connu de 50 à 53 grosso modo ( je suis un peu fâché avec les dates et comme les fellah du bled je me fie aux évènements importants pour me situer ... ).
Comme tu le sais dans les services vétérinaires et de l'élevage, les vétos étaient souvent mutés d'un côté et de l'autre. Donc en 46 après le premier poste de mon pater à Mogador nous nous sommes donc retrouvés à l'Ourtzagh dans le rif au nord de Fes pour environ 3 ans. J'étais scolarisé à Rafsai ( en pension chez un adjudant des transmissions d'un régiment de tirailleurs )... Puis Fes, puis Tadla lorsque mon père est passé inspecteur des services vétérinaires, puis El Hajeb, puis l'Ecole d'Agriculture et enfin Meknès à diverses adresses dont la dernière esplanade Giguet que tu as connue également pour y avoir demeuré je pense...
Mais au fait comment as-tu connu l'Ourtzagh ? , habitiez-vous également le bungalow du véto sans grand confort ...
Donc chère Luisa à bientôt peut-être à Llansa, si ce n'est moi tu y verras mes enfants et petits enfants ( où le bâteau dans la calanque de Cau del Llope, ils sont aujourd'hui dans le port de Puerto de la selva ) ...
C'est avec plaisir que je te réponds au sujet de ce petit village du Rif que j'ai connu de 50 à 53 grosso modo ( je suis un peu fâché avec les dates et comme les fellah du bled je me fie aux évènements importants pour me situer ... ).
Comme tu le sais dans les services vétérinaires et de l'élevage, les vétos étaient souvent mutés d'un côté et de l'autre. Donc en 46 après le premier poste de mon pater à Mogador nous nous sommes donc retrouvés à l'Ourtzagh dans le rif au nord de Fes pour environ 3 ans. J'étais scolarisé à Rafsai ( en pension chez un adjudant des transmissions d'un régiment de tirailleurs )... Puis Fes, puis Tadla lorsque mon père est passé inspecteur des services vétérinaires, puis El Hajeb, puis l'Ecole d'Agriculture et enfin Meknès à diverses adresses dont la dernière esplanade Giguet que tu as connue également pour y avoir demeuré je pense...
Mais au fait comment as-tu connu l'Ourtzagh ? , habitiez-vous également le bungalow du véto sans grand confort ...
Donc chère Luisa à bientôt peut-être à Llansa, si ce n'est moi tu y verras mes enfants et petits enfants ( où le bâteau dans la calanque de Cau del Llope, ils sont aujourd'hui dans le port de Puerto de la selva ) ...
René Hermitte- Messages : 1403
Date d'inscription : 19/10/2010
Age : 77
Localisation : Toulon La Valette
Pedro
Lucien
c'est toujours avec le même plaisir que je lis tes mémoires. Tes récits sont si vivants qu'on a l'impression d'y être.Il est dommage que tu ne puisses les éditer.
Mais pourquoi veux-tu arrêter de nous conter ton village.Ta galerie de portraits est passionnante.Alors même si nous ne sommes pas nombreux à te lire ou à laisser un p'tit com c'est toujours interessant.
c'est toujours avec le même plaisir que je lis tes mémoires. Tes récits sont si vivants qu'on a l'impression d'y être.Il est dommage que tu ne puisses les éditer.
Mais pourquoi veux-tu arrêter de nous conter ton village.Ta galerie de portraits est passionnante.Alors même si nous ne sommes pas nombreux à te lire ou à laisser un p'tit com c'est toujours interessant.
_________________
Amitiés Christiane
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